Vedette

Esquimau, aude (n. pr.)
[ɛskimo, od]

Définition

Autochtone appartenant à une ethnie d'origine asiatique, non amérindienne, qui vit principalement en zone arctique, disséminée le long des côtes de la Sibérie orientale, de l'Alaska, du Canada et du Groenland. – Disparu Nom donné, au XVIIe s. et au début du XVIIIe, à d'autres autochtones qui vivaient au nord de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent, mais qui étaient de souche amérindienne, notam. des Montagnais établis sur la Côte-Nord et des Micmacs établis parmi les Montagnais de Tadoussac.
Les Esquimaux de la baie d'Hudson, de l'Ungava, du Labrador.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

Eskimo (parfois, invar. en genre); Eskimau (ancienn., depuis 1658); (invar.) Esquimaux, Esquimeau, Esquimo, etc. (qqf.)
Citation(s) Référence(s)
Or les costes du Nort depuis le travers d'Enticosty sont fort baturieres pour la plus part; [ ... ] aussi il y a nombre de petites rivieres où la pesche du saumon est grande, selon le rapport des sauvages & des Basques qui cognoissent partie d'icelle coste. [ ... ] Là est une nation de sauvages qui habitent ces pays, qui s'appellent Exquimaux, ceux de Tadoussac leur font la guerre.
1632, Les voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain, 2e partie, p. 98.
[archives et textes anciens]
[ ... ] dans tout ce vaste Continent, qui est entre le Fleuve Saint Laurent, le Canada, & la Mer du Nord, on n'a encore vû que des Eskimaux. [ ... ] L'origine de leur nom n'est pas certaine; toutefois il y a bien de l'apparence qu'il vient du mot Abénaqui Esquimantsic, qui veut dire, Mangeur de Viande cruë. Les Eskimaux sont en effet les seuls Sauvages, que nous connoissions, qui mangent la Chair cruë, quoiqu'ils ayent aussi l'usage de la faire cuire, ou secher au Soleil.
1744, Fr. X. de Charlevoix, Histoire et description générale de la Nouvelle France, t. 3, p. 178.
[archives et textes anciens]
Oui, l'immense et superbe Nord [ ... ] n'apparaissait encore en ces temps-là qu'à travers un immense voile de brouillards, comme la région du mystère et de l'impénétrable. On se le figurait à peu près de même qu'on se figure aujourd'hui les côtes les plus lointaines du Labrador, où les Esquimaux s'élancent à la poursuite des phoques et des ours blancs, sur des champs de glace éternels.
1889, A. Buies, L'Outaouais supérieur, p. 17.
[littérature]
– [ ... ]. Quand j'étais toute petite, au Nouveau-Québec, à Port-Burwell, c'est la langue esquimaude que je parlais, comme tous les petits Esquimaux et toutes les petites Esquimaudes. [ ... ] – Tu n'es pas une vraie Esquimaude. Tu es blonde, tu as le visage étroit et tu n'as pas les yeux en amande.
1967, R. Ducharme, Le nez qui voque, p. 87.
[littérature]

Commentaires

D'usage courant dans la langue générale. Cependant, dans la langue officielle ou spécialisée, on dit plutôt Inuit depuis les années 1970, le nom d'Esquimau étant perçu comme une appellation péjorative par les autochtones auxquels il réfère (v. Étymologie/Historique).

Synonyme(s)

Origine

Emprunt d'un lexème, d'un syntagme, d'une expression (avec son sens) amérindien

Historique

Mot d'origine algonquienne dont on attribue généralement l'emprunt aux pêcheurs européens qui, dès le XVIe s., fréquentaient le détroit de Belle Isle et la côte nord du golfe du Saint-Laurent où vivaient alors Esquimaux (ou Inuits) et Montagnais. Étant donné le lieu d'emprunt, esquimau est sans doute issu d'une forme montagnaise, même si d'autres langues algonquiennes (abénaquis, cri, micmac, ojibway) présentent également des formes apparentées. Le mot est d'abord attesté dans un manuscrit anglais de 1584, sous la forme esquimawes, puis sous la forme esquimaos dans un texte espagnol de 1625 rédigé par un historien basque (au sujet de ces premières attestations et des nombreuses hypothèses émises sur l'origine du mot, v. J. Rousseau, dans Les Cahiers des Dix, no 20, 1955, p. 179-198; J. Mailhot, dans Études inuit, vol. 2, no 2, 1978, p. 59-69; HNAI 5, p. 5-7). – Depuis 1632 (chez Champlain, désignant des autochtones de la Côte-Nord dont l'identité demeure incertaine; esquimaux, sur sa carte, et exquimaux, dans sa relation de voyage). L'imprécision qui entoure le sens du mot esquimau dans les documents français du XVIIe s. et du début du XVIIIe s. est probablement due au fait que le mot amérindien dont il est issu n'était pas employé de la même façon par les Montagnais de la Côte-Nord et ceux de la région de Tadoussac, comme c'est le cas aujourd'hui pour la forme moderne correspondante aissimeu qui, selon les dialectes montagnais, désigne tantôt des Amérindiens, tantôt des Esquimaux ou Inuits (v. Drapeau qui relève le sens de « Micmac, Huron» dans le dialecte de Betsiamites et ailleurs celui d'«Inuit»; v. aussi J. Mailhot, art. c., p. 61-62, ainsi que J. Mailhot et al., dans Études inuit, vol. 4, nos 1-2, 1980, p. 59-76). D'après une explication qui a largement cours depuis la première moitié du XVIIIe s., l'appellation amérindienne ferait référence à une habitude alimentaire caractéristique des Esquimaux et signifierait littéralement «mangeur de viande crue» (v. l'exemple de Charlevoix). Depuis Rousseau, on a souvent repris cette explication pour souligner la valeur péjorative de l'appellation, ce qui a conduit, dans les années 1970, à l'abandon du mot esquimau au profit de inuit par les spécialistes québécois (v. J. Rousseau, dans Les Cahiers des Dix, no 21, 1956, p. 99; v. aussi L.-J. Dorais, dans Recherches amérindiennes au Québec, vol. 4, nos 4-5, 1974, p. 78). Or, il est clairement établi maintenant qu'au XVIIe s., dans la région de Tadoussac, le mot français et la forme montagnaise correspondante servaient essentiellement à désigner des Amérindiens Micmacs auxquels pouvait difficilement convenir un nom signifiant « mangeurs de viande crue». L'explication courante a donc été remise en question par J. Mailhot pour qui l'appellation amérindienne devait plutôt avoir le sens de «parlant la langue d'une terre étrangère» (v. art. c., p. 63-66). Mais cette nouvelle hypothèse est elle-même remise en question (v. HNAI 5, p. 6). Le féminin esquimaude est attesté depuis 1719 (dans RAPQ 1922-1923, p. 365 : il y avait plusieurs sortes de nations esquimaudes), mais rare avant les années 1930; cette forme est sans doute analogique de féminins comme courtaude et noiraude (de masculins en - aud; v. J. Rousseau, dans Les Cahiers des Dix, no 20, 1955, p. 190-193). Esquimau est enregistré dans les dictionnaires français depuis Trévoux 1721; bien que la forme féminine esquimaude figure dès 1848 sous la plume d'un auteur français (Flaubert, v. TLF), elle n'est signalée dans les dictionnaires que depuis Robert 1953 (femme esquimau dans Larousse 1897 et 1928, mais femme esquimau ou esquimaude dans Robert 1953 et 1985). Bon nombre de dictionnaires mentionnent également, comme variantes, les formes eskimo (invariable en genre et souvent en nombre; comme forme principale dans Quillet 1974, Flamm 1983 et PRobNoms 1993) et eskimau (aujourd'hui comme variante ancienne). Les formes françaises esquimau(x) et eskimau(x) étaient d'usage courant en anglais aux XVIIIe et XIXe s.; elles ont été remplacées depuis par la forme Eskimo (v. OEDSuppl 1972; DictCan, s.v. Eskimo et Esquimau; v. aussi HNAI 5, p. 5). C'est sans doute sous l'influence de l'anglais que cette dernière forme est aujourd'hui courante en français de France.

Français de référence

Remarque(s)
En France, esquimau peut s'employer comme un mot invariable en genre (notamment dans la langue spécialisée); la forme eskimo (généralement invariable) y est également d'usage courant, surtout au sens 4 et 5 (v. Étymologie/Historique).
Mot particulier
Emploi particulier par son statut (registre d'emploi, domaine d'emploi, fréquence relative ou connotation).
QU: 1073