Vedette

tourtière (n. f.)
[tUʀtˢjɜʀ]

Définition

Région. Gros pâté profond fait d'un mélange de viandes de boucherie (général. porc, veau et bœuf) ou de gibier et de pommes de terre coupées en petits morceaux qu'on fait cuire lentement au four.
Tourtière au lièvre, à la perdrix, à l'orignal. Une assiettée de tourtière. Viande à tourtière. (Vieilli) Tourtière de famille, d'habitant.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

tourquière (parfois, jusqu'au milieu du XXe s., d'après une prononciation vieillie)

Variante(s) polymorphique(s)

tourtière du Lac-Saint-Jean, tourtière du Lac (à l'extérieur du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de Charlevoix)
Citation(s) Référence(s)
[...] les religieuses envoyerent les lettres de grand matin p[ou]r faire leur Compliment ; & les Ursulines force belles estreines avec bougies, chapelets, crucifix &c. & sur le disner deux belles pieces de tourtiere.
1646, dans RJ 28, p. 142.
[archives et textes anciens]
Oh! la bonne et saine nourriture que l'on mangeait dans ce temps-là! [...] D'abord, une soupe aux pois fumante et grasse où avait longtemps mijoté une grosse « brique » de lard. Puis un énorme et succulent rôti de porc frais – «soc» ou « paleron » – flanqué de pommes de terre bien rissolées dans le jus. [...] Après, une énorme « tourtière» dont le secret semble s'être perdu.
1905, L'Avenir du Nord, Saint-Jérôme, 5 janvier, p. 1 (conte).
[littérature]
Le soir de Pâques 1960, les «bérets blancs» du journal Vers Demain ont inauguré une façon nouvelle de porter la lumière dans les familles. À Montréal [...], les «bérets blancs» ont servi gratuitement le souper à 74 familles pauvres du quartier « Griffingtown». Plus de mille personnes des alentours prirent place à un banquet de tourtières au poulet ou au lièvre, à la mode du Lac St-Jean (une seule tourtière peut nourrir 20 personnes), délicieuses salades, bon pain et bon beurre, fruits, gâteaux, bonbons, café, liqueurs.
1960, Vers Demain, Montréal, 15 mai, p. 2.
[presse, journaux, périodiques]
La tourtière était délicieuse, faite à l'ancienne mode du Saguenay : lièvres, perdrix, morceaux de porc. Le tout enrobé de pâte dorée et présenté dans un chaudron de fer. Plat vigoureux qui donnait le goût de prendre le chemin des grands bois.
1975, F.-A. Savard, Journal et souvenirs II, p. 68.
[littérature]
À la salle à manger, la serveuse, en entendant son léger accent du Lac-Saint-Jean, lui a proposé une «vraie» tourtière du Lac au lieu du pâté chinois. «Notre chef est originaire de Desbiens, lui a-t-elle dit, et il la fait magnifiquement.»
1993, Cl. Fournier, René Lévesque. Portrait d'un homme seul, p. 34.
[littérature]

Synonyme(s)

Commentaire géolinguistique

Saguenay-Lac-Saint-Jean et Charlevoix. Relevé de façon sporadique dans quelques autres régions (Portneuf, Bas-du-Fleuve, Matapédia et nord-est du Nouveau-Brunswick); mais de façon générale, on dit plutôt tourtière du Lac-Saint-Jean, ou tourtière du Lac, quand on parle de ce mets à l'extérieur de cette région.

Répartition

  • Zone Charlevoix--Saguenay--Lac-Saint-Jean
  • Est du Québec
  • Zones acadiennes

Origine

Maintien d'un sens parlers régionaux de France

Historique

D'origine régionale française. Le mot a été relevé dans les parlers de l'Ouest de la France avec le sens de «grand pâté» (MussSaint), de « tourte à la viande (de porc, de volaille ou de lapin) et aux œufs durs» (v. RézOuest); le plat dont il est question est, comme c'est souvent le cas encore au Saguenay-Lac-Saint-Jean, associé à une fête : «Les gros travaux des champs se terminaient par une petite fête de famille, le Bourlot. On y mangeait la tourtière, vaste pâté arrondi, cuit entre deux feux» (H. Gelin, Au temps passé, 1922-1924, cité d'après RézOuest). Dans le Limousin, le mot tourtière désigne une sorte de tarte à la viande (v. Les belles recettes des provinces françaises, 1929, p. 294-295, « La tourtière de ma grand'-mère»). Ces emplois de tourtière découlent du sens d'« ustensile servant à faire des tourtes et des tartes», attesté en français depuis le XVIe s. (v. FEW to+rta 13-2, 111b), lui-même étant un dérivé de tourte « pâtisserie», qui remonte au XIVe s. (ibid. 109b-110a). Par étymologie populaire, on a fait dériver tourtière « pâté» de tourte, nom d'une espèce de pigeon sauvage d'Amérique du Nord aujourd'hui éteint et qui a longtemps été un gibier apprécié (explication évoquée encore dans Barbeau-2 233 et dans Bélisle-3; v. aussi l'ex. de Ringuet sous le sens 2). – Depuis 1646 (l'exemple suggère qu'il s'agissait d'un grand pâté). L'ancienneté de cet emploi est confirmée par les usages relevés dans les parlers de l'Ouest de la France (v. ci-dessus), par le fait qu'il demeure implanté dans une région conservatrice qui a été colonisée dès le XVIIe s. (Charlevoix) et qu'il subsiste de façon sporadique dans quelques régions du Québec et du Nouveau-Brunswick. Son recul est peut-être à mettre en relation avec la montée de cipaille, d'origine anglaise, qui désigne un mets semblable.

Étymon du FEW

torta

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.
QU: 1552