Vedette

voyageur (n. m.)
[vwajaʒœʀ]

Définition

Hist. Marchand expérimenté dans les expéditions de traite qui, bénéficiant d'un permis des autorités, ou «congé», allait en territoire amérindien pour faire le commerce des pelleteries avec les autochtones, à son propre compte, en société ou en association avec des marchands établis.
Voyageurs qui vont en traite dans les bois, qui partent pour les Outaouais, pour le pays des Outaouais. Convention entre voyageurs. Équiper un voyageur. Un voyageur et ses engagés. Un voyageur des pays d'en haut, dans les (ou aux) pays d'en haut. Vendre des congés à des voyageurs.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

voiageur (parfois, dans les textes anciens)
Citation(s) Référence(s)
[...] les sieurs Charles de Couaigne et Claude Tardit marchands bourgeois de cette ville [Montréal] d'une part, et les s[ieu]rs Anthoine Villedieu[,] Joseph Loizel & Simon Guillory [...] ont fait entre eux les accords et conventions suivants sçavoir que pour faire valloir un congé pour les 8ta8at [Outaouais] [...] [les marchands bourgeois] promettent leur fournir et equipper pour le voyage de toutes les marchandises necess[ai]res canots et vituailles, toutes lesquelles choses seront prisés et preferablement payées a leur retour, sur la masse de la communauté, aprés quoy du restant de leurs pelleteries seront faits quatre lotz egaux, l'un desquels les bourgeois prendront et les voyageurs chacun un [...].
1682, Montréal, ANQM, gr. Cl. Maugue, 1er avril, p. 1.
[archives et textes anciens]
Le poste du Détroit étant établi, rien ne seroit si aisé que de faire descendre tous les secours nécessaires en vivres et en bestiaux pour fournir les postes dont nous avons parlé, et cela par le moyen des gabarres à fond plat, ou barques que l'on feroit de soixante à soixante-dix tonneaux [...] ce qui diminueroit beaucoup le nombre des engagés pour les voyageurs.
1757, mémoire de Bougainville, dans P. Margry (éd.), Relations et mémoires inédits, 1867, p. 43.
[archives et textes anciens]
[...] J'avourai que le commerce des pelleteries avec la nation mahas peut etre encore avantageux pour les marchands qui tirent leurs marchandises de la partie anglaise et y font valoir leurs pelleteries. Mais il est impossible qu'un pauvre misérable traiteur qui s'équippera chez un marchand de S[ain]t Louis [au Missouri] qui ne manque jamais de l'écorcher jusqu'au vif puisse y faire aucun gain ni même complèter le payement de son équippement [ses marchandises de traite]. Il n'y a d'autres différences entre les corsaires qui courent les mers et les marchands des Illinois si ce n'est, que les premiers s'enrichissent quelques fois tout d'un coup par une bonne prise et que les derniers ne font leur fortune qu'en cinq a six ans de commerce sans exposer leurs vies, en écorchant le pauvre voyageur et l'habitant.
1796, ASQ, fonds Viger-Verreau, «Extrait des journaux du voyage de J[ean] B[aptis]te Trudeau sur le Haut Missouris», p. 75-76 (ms.).
[archives et textes anciens]
Les départs de voyageurs qui travaillent à leur compte, encore les plus nombreux [période 1708-1717], se répartissent à peu près également entre le printemps (avril-mai) et l'automne (octobre-début novembre). Ils rentrent à Montréal en août et septembre, hivernent généralement dans la colonie une année sur deux.
1974, L. Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, p. 218.
[études scientifiques]

Synonyme(s)

coureur de bois; traiteur, (plus rarement) traitant (dans certains contextes)

Origine

Innovation sémantique français de référence

Historique

Intimement lié à l'histoire de la traite des fourrures et de l'exploration en Amérique du Nord, le mot voyageur, dans ses acceptions québécoises, ne paraît pas avoir été relevé par les lexicographes de France. Le mot est passé à l'anglais canadien comme emprunt sémantique (voyager) dès les années 1770, mais surtout comme emprunt direct (voyageur, forme demeurée la plus usuelle de cet emprunt), dès 1793 (v. DictCan), dans des emplois qui recoupent les sens 01. et 03. Le mot voyageur a même connu en anglais un développement ultérieur et a pris le sens de «any traveller of the rivers and trails of the wilderness, especially by canoe» (v. DictCan; voir aussi Gage 1997, s.v. voyageur, sens 02.). Voyageur a également pénétré en anglais américain au sens 03. (v. par ex. Craigie, Mathews, Webster 1986). – Depuis 1682. Découle de voyage dans le sens spécifique d'«expédition de traite», en usage en Nouvelle-France depuis au moins le milieu du XVIIe s., souvent dans la locution faire le voyage (v. par ex. ANQQ, gr. G. Audouart, 6 juin 1650 : faire le voiage quy se prepare pour aller auls hurons). Ce sens s'inscrit naturellement dans le sémantisme du mot voyageur; le sens de «personne qui voyage pour voir de nouveaux pays (dans un but de découverte, d'étude)» (Robert 1985, s.v. voyageur, sens 3), duquel découlent directement les emplois québécois, est attesté en français depuis le XVIe s. (v. FEW viaticum 14, 382a). D'ailleurs, le mot connaîtra un développement similaire en France au XIXe s., époque où il prend le sens de «représentant qui visite la clientèle pour son compte ou celui d'un employeur» (voyageur ou voyageur de commerce, v. TLF), emploi qui s'est imposé également au Québec. Voyageur des pays d'en haut, depuis 1735.

Étymon du FEW

viaticum

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.
QU: 2109