Vedette

sauvage (n. m. ou n. f.)
[sɔvaʒ]
De nos jours, le mot prend la majuscule à l'initiale quand il est employé comme substantif désignant une personne (un Amérindien), mais l'usage a fluctué constamment depuis le XVIIe s., compte tenu notamment de la valeur générique que peut prendre le mot (on remarque souvent, à cet égard, que sauvage s'écrit avec la minuscule à l'initiale alors qu'Indien prend la majuscule dans les contextes où les deux appellations se côtoient).

Définition

(Souvent (mais surtout autrefois) par allusion aux Amérindiens, vus à travers le prisme de stéréotypes négatifs). Péjor. Personne qui n'est pas civilisée, qui manque de savoir-vivre, qui agit de façon brutale.
Un sauvage, un vrai sauvage. (Souvent en parlant de personnes vivant loin des centres urbains). Passer pour un (beau) sauvage, pour des (beaux) sauvages. (Comme terme d'insulte à l'adresse d'une personne dont le comportement dénote un manque de savoir-vivre flagrant, ou qui agit en vandale). Maudit sauvage! Bande de sauvages! – adj. Le monde est sauvage. (Dans un proverbe). Les plus sauvages ne sont pas ceux qu'on pense. QU_les_plus_sauvages
[État des données: avancé]

Variante(s) polymorphique(s)

(hapax) sauvage à plume
Citation(s) Référence(s)
Dans ce maudit papier [le journal Le Canadien] pas un mot pour le bien, Ils n'ont, vraiment, l'esprit tourné que vers le mal. Est-ce là le moyen d'établir notre gloire ? De nous donner un nom célèbre dans l'histoire ? [...] Ils nous font regarder comme un peuple sauvage, Qui n'a de notions, de plaisir, d'agrément, Qu'à mordre l'étranger, déchirer le passant [...].
1807, Courier de Québec, 14 mars, p. 83.
[presse, journaux, périodiques]
Le premier instituteur [du district de Joliette] fut Charles Bourgeois résidant aujourd'hui à l'Assomption. [...] J. N. I. Melançon qui vient de mourir avocat, et Placide Melançon, peintre qui étudia à Paris, où il passait pour un beau sauvage, étaient élèves du père Bourgeois.
1866, La Gazette de Joliette, 17 déc., p. 2.
[presse, journaux, périodiques]
(Dans un calembour). La littérature ne vogue pas toujours dans le réel. Au Canada comme en France, des écrivains voient l'homme et la nature à travers un écran livresque. Ceux-là se refusent à admettre les américanismes [«mots d'origine amérindienne» ] parce que Racine, Corneille et Boileau les ignoraient. Peut-être craignent-ils de «passer pour des Sauvages à plumes». C'est dommage, puisqu'ils privent la langue française d'acquisitions heureuses.
1956, J. Rousseau, dans Les Cahiers des Dix, no 21, p. 103. Cp. Indien à plumes exprimant un stéréotype.
[études scientifiques]
Mon Boss m'a dit : «T'es instruit, t'es allé dans un collége de curés, tu sais le latin, tu vas aller en Urope. T'as de l'instruction, tu vas pas passer pour un maudit Sauvage. Tu nous feras pas honte chez les Français de Marseille. Si i' comprennent pas le canayen, i' vont peut-être comprendre ton latin.»
1975, R. Carrier, Le jardin des délices, p. 135.
[littérature]

Historique

Pour l'origine de la forme, voir sens 01. – Dans cet emploi, sauvage participe à la fois des sens de «personne appartenant à une population, à une société primitive» et d'« individu grossier, inculte, sans éducation», attestés tous deux en français depuis le XIIe s. (pour les références, voir sens 01. ). L'emploi québécois se distingue par la fréquence et la formulation de certaines expressions et par des allusions directes (surtout dans les exemples les plus anciens) aux Amérindiens et à certaines de leurs mœurs. Il faut rappeler à ce sujet que les Canadiens français, dont l'interaction avec les Amérindiens était bien connue, ont éprouvé, à partir du XIXe s., une véritable peur de passer pour des « Sauvages » aux yeux des autorités britanniques et des Français (v. à ce sujet D. Delâge, «Les Amérindiens dans l'imaginaire des Québécois», dans Liberté, vol. 33, no 4-5, 1991, p. 15-28; v. en outre l'exemple de 1807 où cette préoccupation est évoquée, et le passage suivant, tiré du Journal d'agriculture, Montréal, février 1877, p. 12, à propos du mot patate au sens de « pomme de terre» que l'auteur condamne à l'écrit : «[...] quelqu'un qui nous lirait pourrait bien ne point nous comprendre, ou, tout au moins, nous taxer d'ignorance, si nous ne donnions pas aux choses leurs noms propres. D'ailleurs, si ce journal tombait dès à présent, par hasard, entre les mains de quelque Français, de France, il pourrait bien se permettre de nous prendre pour des Métis et même pour des sauvages ! »). Pour cette raison, certaines expressions, qu'on peut trouver à l'occasion en France, ont longtemps véhiculé des connotations particulières au Québec.

Français de référence

Remarque(s)
Dans cet emploi, sauvage recoupe certains des emplois qu'il connaît en France, mais il s'en distingue par des connotations particulières (il peut arriver qu'on perçoive encore une allusion aux Amérindiens), par le caractère usuel de certaines expressions qu'on entend moins en France, par la façon dont on les formule, etc. (v. Étymologie/Historique).
Mot particulier
Emploi particulier par son statut (registre d'emploi, domaine d'emploi, fréquence relative ou connotation).
QU: 2212