Vedette

orignal, aux (n. m.)
[ɔʀiɲal, o]
Employé parfois au féminin dans certaines régions (notam. la Côte-Nord).

Définition

Cervidé de grande taille, à pelage brun, pourvu de pattes longues et robustes, de hautes épaules surmontées d'une bosse et (chez le mâle) de larges bois plats et palmés à l'arrière, commun dans les régions nordiques de l'Amérique et de l'Eurasie (Alces alces).
L'orignal est souvent considéré comme le roi des forêts canadiennes. Un orignal mâle. Un orignal femelle ou (souvent) une orignale. Pistes d'orignaux. Mocassins en cuir, en peau d'orignal.Mocassins en cuir d'orignal fumé ornés de broderies de fil de soie sur l'empeigne, culture des Attikameks de Manouane, 20e siècle (Musée de la civilisation, C1973-00528-000) QU_l_orignal_est_souvent
[État des données: avancé]

Variante(s) phonétique(s)

[ɔʀɲal, o] (pop.)

Variante(s) graphique(s)

(variante ancienne) orignac (pluriel orignaux, parfois orignacs); (surtout en Acadie) orignat; (par confusion avec un autre mot, v. Étymologie/Historique) original (rare; pluriel originaux); (variantes pop.) orignau (au sing.), orignals (au pluriel)
Citation(s) Référence(s)
(Pour la variante orignac). Apres qu'il eust achevé sa harangue, nous sortismes de sa Cabanne, & eux commencerent à faire leur Tabagie, ou festin, qu'ils font avec des chairs d'Orignac [...].
1603, S. de Champlain, Des Sauvages, p. 4.
[archives et textes anciens]
(Pour la variante orignat). Les Eslans ou Orignats sont frequens en la Province de Canada, & fort rares a celle des Hurons, d'autant que ces animaux se tiennent & retirent ordinairement dans les pays plus froids & remplis de montagnes [...].
1632, G. Sagard, Le grand voyage du pays des Hurons, p. 308.
[archives et textes anciens]
Nous suivions quelque fois une lieüe ou deux ces mêmes pistes; ensuite nous trouvions cinq, dix, quinze ou vingt Orignaux ensemble; qui conjointement ou separément prenoient la fuite, & s'enfonçoient dans la nége, jusqu'au poitral.
1703, Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 1, p. 75.
[archives et textes anciens]
(Pour la variante orignau, au sing.). C'est l'oiseau et l'alouett' Qui vouloient se marier, [bis] [...] Mais ils n'ont rien [à] manger. Ils vir't venir un corbeau, Dans son bec un orignau.
1830 env., chanson de voyageurs canadiens-français, éd. par M. Barbeau, dans JAF 67/264, 1954, p. 156.
[enquêtes]
Vers midi, ils aperçurent à la lisière d'une petite clairière que longeait le sentier des portageurs, un gros orignal brun qui frottait son large panache contre le tronc rugueux d'une épinette; le fauve était solidement planté sur ses longues jambes et tournait contre le vent son énorme tête exsangue.
1925, D. Potvin, Le Français, p. 292.
[littérature]
L'orignal se nourrit d'herbe, de menues branches et de feuilles, mais il affectionne plus que tout, en été, les racines et les feuilles des nénuphars; il est capable de rester de longs moments sous l'eau, complètement submergé, pour atteindre les racines si succulentes à son point de vue.
1936, H. Bernard, Le petit chasseur, p. 41.
[études scientifiques]
Aubertin, le charbonnier, était maître chez lui. Cela se voyait aux calendriers de la maison, dont l'image était entièrement consacrée à la représentation de la nature sauvage, des montagnes, des eaux, des forêts, et à une tête d'orignal, énorme dans le petit salon, les yeux gros, renfrognée sous son panache, qui ne disait mot; on ne pensait pas moins que derrière ce trophée, comme derrière le paysage des calendriers, il y avait le chasseur, l'autorité du mâle, le charbonnier lui-même, fusil sur l'épaule et poignard à la main.
1962, J. Ferron, Cotnoir, p. 37.
[littérature]
C'est le temps des pacages gris, des branches nues, des feuilles pourchassées par le vent [...]; c'est la saison des orignaux crucifiés sur le toit des voitures triomphantes qui s'en retournent vers les villes.
1975, R. Carrier, Le jardin des délices, p. 5.
[littérature]

Commentaires

Orignal est un mot très répandu dans la toponymie québécoise (v. RTQ 1987 et BlaisTop).

Synonyme(s)

buck (pour le mâle)

Origine

Emprunt d'un lexème, d'un syntagme, d'une expression (avec son sens) basque

Historique

Depuis 1661 (dans RJ 46, p. 140 : Les sauvages vivent de viande dorignal); une première fois en 1636, chez G. Sagard, au pluriel (v. Histoire du Canada, p. 86 : des Eslans ou Orignals), mais il s'agit peut-être d'une coquille de l'éditeur puisque l'auteur utilise régulièrement orignat (pluriel -ats) dans ses écrits; le pluriel orignaux est attesté depuis 1634 (v. RJ 5, p. 134 : les Sauvages prirent huict élans, ou orignaux). Orignal est issu de orignac (depuis 1603, Champlain), qui domine jusque dans les années 1660 et qui est par la suite attesté de façon épisodique jusque vers la fin du XVIIIe s. Orignac est au départ la forme plurielle d'un mot basque qui s'applique à tous les cervidés et que les Français ont appris des pêcheurs basques qui venaient pêcher sur les côtes de l'Atlantique (v. M. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle France, 1609, p. 595 : «les Basques appelle[n]t un Cerf, ou Ella[n], Orignac»; v. aussi FriedAm, s.v. orignal, FEW basque orein 20, 18b, et M. Löpelmann, Etymologisches Wörterbuch der baskischen Sprache, 1968, s.v. orein). L'émergence de la forme orignal au détriment de orignac est due à une réfection analogique qui s'explique par le fait qu'au XVIIe s. les finales -ac et -al étaient encore souvent confondues puisque la consonne pouvait être muette (ce qui explique du même coup la variante orignat, attestée depuis 1632, chez Sagard); comme ces deux finales pouvaient faire leur pluriel en -aux (cp. arsenaux, forme plurielle de arsenac ou arsenal à cette époque), l'attraction de la finale -al, utilisée dans un plus grand nombre de mots, a eu une influence décisive (v. les explications à propos du cas d'arsenal dans Fur 1690 et 1727, VaugRem 474-475, AcVaug 465-466, NyropGramm-2 3, p. 153, qui signale aussi le cas de orignal, FEW 19, 39a, RobHist et CatOrth, s.v. arsenal). La forme original (depuis 1664) est due à une erreur typographique, par confusion avec un mot français usuel, qui apparaît dans des relations et sur des cartes anciennes et qui a été reprise dans des dictionnaires depuis Littré (voir aussi Académie 1878, Besch 1892, Quillet 1937-1974); cette forme n'a jamais eu d'existence réelle et a été régulièrement rejetée comme étant une erreur par les commentateurs québécois (v. par ex. Dunn : «N'en croyez pas l'Acad[émie] lorsqu'elle dit qu'on appelle ainsi l'Elan du Canada, notre magnifique Orignal.»). Orignal (ou orignac) figure dans les dictionnaires français depuis le début du XVIIIe s. (v. Trévoux 1704, Richelet 1732, Littré, Quillet 1937-1948, Robert 1953 et 1985, PRobert depuis 1967, Larousse 1960, TLF). Il est également attesté dans des textes anglais traduits de documents anciens relatifs à la Nouvelle-France ou faisant référence au français du Canada (v. ClapAmer, DictCan, Craigie, Mathews et OED).

Étymon du FEW

orein

Bilan métalinguistique

(Pour la variante orignat). Voir aussi PoirAc 206 et ComAc, qui l'écrivent orignât.

Français de référence

Remarque(s)
En France, on utilise plutôt élan pour nommer le même animal. Ce mot est connu au Québec, mais il est relativement rare; les spécialistes l'employaient souvent, avant les années 1960, dans l'appellation élan d'Amérique qu'ils ont remplacée par orignal.
QU: 2611