Vedette

piastre (n. f.)
[pjastʀ]

Définition

Hist. Pièce d'argent frappée en Espagne, puis dans les colonies espagnoles d'Amérique (Mexique, Pérou, etc.), qui a cours au Canada dès le XVIIe s. et qui, sous le Régime anglais, vaut généralement 120 anciens sous; valeur de cette pièce, prise comme unité de référence, pouvant, à partir du XIXe s., être représentée par des billetsBillet de une piastre émis par la Banque de Boucherville, monnaie du Canada, vers 1830 (Musée de la civilisation, collection Archives nationales du Québec) émis au Canada.
Piastre d'Espagne, piastre espagnole, piastre du Mexique. Demi-piastre, demi-piastre d'Espagne, du Mexique. Trois piastres (d'Espagne) en sols marqués. Un billet de dix piastres. (Sous le Régime anglais, s'insérant dans les systèmes de compte alors en usage, v. sou). La somme de 71 piastres, 4 chelins (shillings) et 2 pence. 21 piastres et 28 sols.
[État des données: avancé]

Variante(s) phonétique(s)

[pjas] (fam.)
Citation(s) Référence(s)
[...] il a été apporté en ce pays quantité de monnoies étrangères comme réaux, piastres et autres de toutes façons, qui sont pour la plupart légères [ne pesant pas leur poids d'or ou d'argent], ce qui cause une très grande perte à ceux qui sont obligés d'en recevoir, pourquoi les marchands les refusent [...], attendu le pressant besoin que les réaux et piastres, et même toute monnoie étrangère tant d'or que d'argent, soient prises aux poids selon leur prix [...] et que les dits réaux ou piastres du poids de vingt-un deniers trébuchant, soient pris en ce pays pour trois livres, dix-neuf sols un denier [...].
1681, décret du Conseil supérieur, cité dans A. Shortt (éd.), Documents relatifs à la monnaie, au change et aux finances du Canada sous le Régime français, vol. 1, 1925, p. 50.
[archives et textes anciens]
[...] la Livre [française] vaudra un Chelin du Cours établi par la Présente, la Piastre vaudra Six Livres [françaises] ou Six Chelins, et ainsi à Proportion pour chaque Monnoye ci-mentionnée. Et comme il s'est introduit un Usage de couper les Piastres, et d'en circuler les Fragmens comme menu Change à une Valeur arbitraire, ce qui est sujet à beaucoup de Fraudes et d'Abus : Par cette Presente, il est en outre Ordonné et Déclaré, Que de la Date de la Publication d'icelle, les Parts ou Morceaux de Piastres, ou d'aucune autre Monnoye ainsi coupées ou autrement rognées, n'auront Cours en Guise de menu Change dans aucune Partie de cette Province [...].
1764, ordonnance du gouverneur Murray, dans La Gazette de Québec, 4 oct., p. 1.
[textes administratifs ou officiels]
[...] en outre moyennant le prix et somme de cinquante livres monnaye du cours actuel de Québec [livres anglaises selon leur valeur au Canada], égale à deux cents piastres d'Espagne, que le dit sieur George Hipps a reçu de mon dit sieur Cramahé, en monnaye d'or et d'argent comptée, nombrée et réellement delivrée à vue des notaires soussignés.
1778, contrat de vente d'une esclave, dans RAPQ 1921-1922, p. 120.
[archives et textes anciens]
Quatre piastres de recompense. Perdu, Ce matin, entre le marché de la Basse-Ville et St-Roc. Un portfeuille rouge, contenant six billets de cinq piastres, et trente autres billets d'une piastre chaque, fesant un montant de £15.
1837, La Gazette de Québec, 22 avril, p. 2.
[presse, journaux, périodiques]

Synonyme(s)

Historique

De l'italien piastra «nom d'une ancienne monnaie d'argent» (v. TLF, s.v. piastre, qui atteste cet emploi en français depuis 1595). Le mot piastre est relevé dans les dictionnaires français depuis Cotgrave 1611 («a Turkish coyne worth about iiij s sterl. [= probabl. 4 shillings sterling]») et, de façon plus précise, depuis Trévoux 1771 («monnoie d'argent qui vaut un écu [...]. Il y a des piastres [...] que l'on appelle piastres du Pérou; d'autres [...] piastres Mexicaines»). Relevé jusqu'à nos jours au sens d'«unité monétaire (actuelle ou ancienne) de divers pays» (v. par ex. TLF). La graphie québécoise piasse a cours dans les textes imprimés depuis 1919 (J. Tremblay, «Poule noire», dans MSRC 13/1, p. 93 : J'veux cent piasses); la prononciation dont elle rend compte se rattache à une tendance ancienne (v. JunPron 205-208). – Depuis 1681. Piastre d'Espagne, depuis 1703 (chez Lahontan, lettre de 1694) jusqu'en 1861, employé par la suite comme terme historique; relevé en France depuis Trévoux 1771 (piastres ou écus d'Espagne; cependant piastre de Seuille [Séville] déjà dans Fur 1727). Piastre espagnole, de 1758 à 1807, employé par la suite comme terme historique; attesté en France depuis Larousse 1866. Piastre du Mexique, de 1694 à 1844, attesté en France depuis Fur 1727. Demi-piastre, de 1683 à 1858, relevé en France depuis Fur 1727.

Français de référence

Mot particulier
Emploi particulier par son statut (registre d'emploi, domaine d'emploi, fréquence relative ou connotation).

Données encyclopédiques

Au XVIIe s., la piastre espagnole circule un peu partout en Europe et en Amérique; il n'est donc pas étonnant qu'on la retrouve en Nouvelle-France, en dépit des réticences des autorités. La piastre y vaut environ quatre livres françaises. À la suite de la Conquête, la piastre se fixe au taux de cinq chelins (shillings)Billet de une piastre ou cinq chelins, monnaie du Canada, 1852 (Musée de la civilisation, S1991-02061-000), ou six livres françaises, soit 120 anciens sous, après quelques années de fluctuation (v. livre et sou; ces équivalences entre les monnaies prévaudront jusqu'à la disparition des systèmes français et anglais, bien après la création du système décimal en 1858. Dans la première moitié du XIXe s., la piastre tient généralement lieu de monnaie de compte dans les transactions, mais il y a de moins en moins de pièces d'argent pour représenter cette unité monétaire. L'utilisation de la monnaie de papier émise par les banques (et même par des particuliers) est de plus en plus courante. C'est à partir de 1851 que les autorités tentent d'introduire par législation un système monétaire décimal calqué sur le modèle du dollar américain, d'où les premières attestations de piastre au sens d' «unité monétaire divisée en cent centins». L'«Acte concernant le cours monétaire» entre en vigueur en 1858. Cette loi prévoit que l'ancien système britannique (louis, chelin et denier) continuera d'avoir cours parallèlement au nouveau système décimal (piastre, centin et millin) dans le Haut et le Bas-Canada. Le symbole $ apparaît dans les documents en français pour représenter la piastre dans les années 1850 (au départ souvent utilisé en plus du mot piastre écrit en toutes lettres), mais il était déjà couramment employé pour l'équivalent anglais dollar qui référait tantôt à la piastre espagnole, tantôt au dollar américain (v. dollar), comme en font foi les billets de l'époque. Le mot piastre prend donc à cette époque une valeur officielle (désignation de l'unité monétaire canadienne), s'ajoutant aux divers emplois que le mot connaissait; on l'utilisait déjà en effet non seulement pour parler de la monnaie espagnole, mais aussi en parlant de pièces d'argent de valeur équivalente frappées en Angleterre et en France (v. sens 02.), et même à l'occasion en parlant de billets imprimés aux États-Unis (par ex. dans le passage suivant tiré de La Gazette de Québec, 10 oct. 1776, p. 2 : Les Messieurs dernierement arrivés de la Géorgie ont apporté quelques nouvelles piastres, les unes sont une bonne piece de bon argent [...]; les autres, cette nouvelle espèce, ne sont qu'un morceau de papier avec une ligne ou deux tirées en taille douce et signé par ordre du Congrès). En 1871, peu de temps après la Confédération, on confirme les monnaies décimales (piastre, centin, millin) dans leur rôle officiel et les monnaies anglaises sont écartées. En 1906, la loi concernant le cours monétaire fait de dollar, cent et mille les dénominations officielles de la monnaie canadienne. Ce changement survient au terme d'une discussion qui divise les puristes depuis la fin du XIXe s.; les uns décriaient l'emploi de dollar parce que c'était un anglicisme, les autres prétendaient qu'il fallait le préférer puisque l'Académie l'acceptait depuis 1835 et que piastre référait à une ancienne monnaie ou à une monnaie étrangère de valeur moindre que l'unité monétaire canadienne. La faveur que piastre connaissait déjà dans la langue familière ou populaire se confirme; de nouvelles expressions voient le jour et la graphie piasse, correspondant à la prononciation usuelle, accède à l'écrit. – Statuts provinciaux du Canada, 1851, chap. 47; The Canada Gazette, vol. 17, 11 déc. 1858, p. 3758-3759; Les Statuts refondus du Canada, 1859, chap. 15 («Acte concernant le cours monétaire»); Statuts du Canada, 1871, chap. 4; Les Statuts revisés du Canada 1906, 1907, chap. 25; A. Shortt (éd.), Documents relatifs à la monnaie, au change et aux finances du Canada sous le Régime français, 1925 (v. notam. vol. 1, p. XLVI, et 50-60); R. Sédillot, Toutes les monnaies du monde, 1955, p. 134-137, 406-407, 409-410; F. Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec 1760-1850, 1966, p. 45-71 (v. notam. p. 59); J. Hamelin et Y. Roby, Histoire économique du Québec 1851-1896, 1971, p. 327-331; The Charlton Standard Catalogue of Canadian Paper Money, 1980 (v. notam. p. 196); H.-P. Rousseau, L'histoire de la monnaie au Canada : de 1608 à 1933, 1981, p. 3 et 11-19; A.B. McCullough, La monnaie et le change au Canada, des premiers temps jusqu'à 1900, 1987.
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