Vedette

barachois (n. m.)
[baʀaʃwɑ]

Définition

Étendue d'eau naturelle peu profonde, de nature marécageuse, située généralement à l'embouchure d'une rivière et séparée de la mer par une barre de sable et de gravier coupée par un étroit passage qui permet des échanges d'eau entre la lagune et la mer; (par méton.) la barre elle-même.
Le barachois de Malbaie, de Carleton, de Paspébiac.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

Variantes les plus anciennes: barachoa (1662) et barrachoa (1689), barachoy (1675). Aussi: barrachois (depuis 1752), bar(r)achoua (1754). – L'orthographe barachois domine nettement depuis son apparition, en 1720.

Variante(s) polymorphique(s)

(Par étymologie populaire) barre-à-choir (parfois écrit barre à cheoir, ou avec des traits d'union).
Citation(s) Référence(s)
Aux Ylles S pierre lemouillage nest pas bon pour de gros vaisseaux parce qu'il ne peuvent entrer dans Le barachoy qui est un havre de maré pour les moien batiment. Dans la rade le fons est mellié [= mêlé] de sable et de roche. Quant on ni demeur quelque temps il fault liegés les cables [«les garnir de liège»] ou bien il se coupe.
1676, de Courcelle, dans H. Harrisse, Découverte et évolution cartographique de Terre-Neuve et des pays circonvoisins, 1900, p. 318.
[archives et textes anciens]
Une chaîne de montagnes assez hautes, fait le fond du tableau: la bordure est un côteau bien soûtenu par un rivage graveleux et uni. Un barachois de près d'une lieue de long, qui se remplit dans les grandes marées et laisse dans les marées ordinaires plusieurs islots et battures à découvert, contraste par son calme avec l'agitation de la mer souvent irritée. La dune qui l'en sépare à environ 25 arpens de la côte, semble lui défendre impérieusement d'en venir troubler le repos, et le même coup d'œil contemple simultanément le calme et la tempête.
1811 env., ASQ, J.-O. Plessis, fonds Viger-Verreau, série 086, 9 juillet (journal).
[archives et textes anciens]
Les barques, vaillantes, sensibles, presque humaines, et dont l'homme tira de sa propre poitrine l'idée de leurs vertèbres. C'est là qu'à l'abri du barachois, le soir, elles viennent se réfugier. J'en vois qui, échouées à sec, reposent sur le flanc; d'autres qui, lentement, tournent sur leurs ancres, comme des aiguilles autour des heures de la marée.
1959, F.-A. Savard, Le barachois, p. 136.
[littérature]
Mais la grande aventure, c'était d'échapper aux familles pour se rendre à pied jusqu'à Paspébiac, à cette anse étroite qui formait le goulot d'un vaste barachois. À marée montante, l'eau y entrait pour se réchauffer au soleil. Puis au baissant, c'était une vraie mer du Sud qui en ressortait, tiède et plus salée qu'avant. On pouvait s'y prélasser longtemps, en se laissant porter par le courant qui déferlait vers le large.
1986, R. Lévesque, Attendez que je me rappelle..., p. 68.
[littérature]
Le mariage de la mer et de la Gaspésie n'est plus à célébrer. C'est presque un poncif que d'en parler. Et pourtant. Quand on ne la voit pas, on sent ses embruns, son iode; on entend ses voix, ses bruits, sa fureur aussi. La péninsule, orgueilleuse, avance dans la mer; malgré les vagues qui battent sans relâche, arrachant çà et là des flancs de la falaise, caressant les plages et barachois, la Gaspésie garde le cap, fidèle.
1995, N. Cazelais, dans Le Devoir, 6 mai, p. C15.
[presse, journaux, périodiques]
(Pour la variante barre à choir). [...] il faut insister dès maintenant sur le fait que chaque grève, chaque barre à choir, chaque port abrité ou presque dans toute la baie des Chaleurs accueillit un jour un comptoir, un magasin ou un entrepôt de l'une ou l'autre des compagnies commerçantes.
1978, P.-L. Martin et G. Rousseau, La Gaspésie de Miguasha à Percé, p. 37-38.
[études scientifiques]

Commentaire géolinguistique

Mot connu surtout par les habitants des régions baignées par le golfe du Saint-Laurent; bien attesté dans la toponymie de ces régions, notamment en Gaspésie (Barachois, nom d'un village) et aux îles de la Madeleine (Le Grand Barachois, Le Petit Barachois, désignant des lagunes; v. RTQ 1987).

Répartition

  • Est du Québec

Origine

Emprunt d'un lexème, d'un syntagme, d'une expression (avec son sens) basque

Historique

Depuis 1662, dans un document tiré des archives de Saint-Malo et relatif aux îles de Saint-Pierre et Miquelon dans lequel on précise le nombre d'hommes qu'un lieu peut recevoir pour la pêche (reproduit dans Ch. de La Morandière, Histoire de la pêche française de la morue dans l'Amérique septentrionale, 1962, p. 418): le galay [«plage couverte de galets»] du Barachoa 40 hommes; le galay au suroit du Barachoa 40 hommes. Le mot ne fait pas partie du vocabulaire apporté de France par les premiers immigrants. La répartition géographique actuelle du mot barachois et les attestations anciennes suggèrent qu'il s'est répandu dans les anciennes colonies françaises à partir du Canada; il aurait été apporté jusque dans l'océan Indien par les marins et les navigateurs dès le début du XVIIIe s. Trois siècles plus tard, on le trouve non seulement en Gaspésie, dans les provinces maritimes et aux îles de Saint-Pierre et Miquelon (v. PoirierG, Mass no 26, NaudÎM, BrassTN et BrassSPM), mais aussi dans l'océan Indien, avec des sens légèrement différents, à savoir celui de «crique peu profonde servant de lieu de débarquement» à Madagascar et à la Réunion, de «petit port naturel» aux Seychelles et de «genre de vivier à l'embouchure d'une petite rivière» à l'île Maurice (v. ChaudRéun 1053-1054, BavMad, NallMaur; BaggRéun, BakMaur, BollÉtym-2, s.v. baraswa). La variation graphique qu'on observe dans les premières attestations du mot est un indice «qu'il s'agit d'un mot étranger adapté à la phonétique française» (Mass no 26). Tout porte à croire que barachois viendrait du basque barratxoa «la petite barre» (v. P. Brasseur, «Quelques aspects de la toponymie des îles Saint-Pierre-et-Miquelon», dans Commission de toponymie du Québec, 450 ans de noms de lieux français en Amérique du Nord, 1986, p. 542).

Français de référence

Équivalent(s)
lagune

Francophonie

Renvoi(s) aux autres zones francophones
Barachois est connu dans l'océan Indien, avec des sens légèrement différents, à savoir celui de «crique peu profonde servant de lieu de débarquement» à Madagascar et à la Réunion, de «petit port naturel» aux Seychelles et de «genre de vivier à l'embouchure d'une petite rivière» à l'île Maurice (v. ChaudRéun 1053-1054, BavMad, NallMaur; BaggRéun, BakMaur, BollÉtym-2, s.v. baraswa).

Données encyclopédiques

C'est à Nicolas Denys (1672) que nous devons la première description précise de la réalité à laquelle réfère le mot barachois (l'auteur emploie cependant lui-même rivière de barre plutôt que barachois): «Sortant de Bonne-aventure & de l'isle Percée, l'on entre en la baye des moluës qui a quatre lieuës d'ouverture, & trois de profondeur, le costé qui joint l'isle Percée sont ces montagnes qui vont en baissant jusques au fonds; de cette baye où est l'emboucheure d'une petite riviere de barre, les chalouppes n'y entrent que de beau temps, la mer asseche assez loin de l'entrée, il n'y a pas grande eau dedans de basse mer, sinon un petit canal pour des canots; c'est une grande étenduë de platins ['rivages plats découverts seulement à marée basse'] & prairies qui rendent la chasse abondante & la pesche de toutes sortes de coquillages [...].» Cette réalité géographique, bien connue des habitants des régions du golfe du Saint-Laurent, a souvent été décrite de façon partielle par ceux qui en ont rendu compte, les uns insistant sur la barre de sable et de gravier, d'autres sur l'étendue d'eau. Sous l'influence des dictionnaires de France (par ex. Besch 1847-1892, Larousse 1866-1897, GrEnc 1885, PLar 1912, Quillet 1937), qui définissaient le mot par «petit port naturel» ou par «petit enfoncement sur les côtes», les lexicographes canadiens-français ont surtout insisté sur l'aspect fonctionnel et utilitaire du barachois, à savoir sa capacité d'abriter les petites embarcations à marée basse (v. Clapin, qui corrige cependant sa définition dans son appendice; GPFC, dont la définition est mise en doute par J. Rousseau: «L'acception du Glossaire [petit port, anse, lieu de refuge], si toutefois elle existe, ne peut que dériver du premier sens [barre de sable et de gravier formée à l'embouchure d'une rivière]»; Bélisle-1-3, Barbeau-2 183, GDT). Pascal Poirier, qui connaissait bien cette réalité en tant qu'Acadien, en donne quant à lui une définition précise (v. PoirierG). Les spécialistes, qui se sont intéressés à la façon dont se sont formés les barachois, en distinguent deux types principaux, selon que le barachois se situe à l'embouchure d'une rivière ou qu'il est alimenté seulement par la mer. Caractéristiques du littoral de la Gaspésie, les barachois regroupent des ensembles de milieux variés qui favorisent la diversité des espèces (faune et flore). – N. Denys, Description geographique et historique des costes de l'Amerique septentrionale, t. 1, 1672, p. 232-233; L. Provancher, dans Le Naturaliste canadien, vol. 4, no 9, 1872, p. 279-280; J.M. Clarke, L'Île Percée, the Finial of the St. Lawrence, 1923, p. 61-63; J. Rousseau, «Quelques additions au 'Glossaire du parler français au Canada'», dans Le Canada français, vol. 22, 1935, p. 581; id., «Barachois», ibid., p. 815-817; P.-L. Martin et G. Rousseau, La Gaspésie de Miguasha à Percé, 1978, p. 199-201 et 223-228.
QU: 2822