Vedette

cèdre (n. m.)
[sɛdʀ]

Définition

Nom commun du thuya occidental (Thuja occidentalis, fam. des cupressacées), conifère indigène du nord-est de l'Amérique du Nord, aux feuilles formées de petites écailles imbriquées l'une dans l'autre, au bois blanchâtre, léger, résistant à la pourriture et aux insectes; bois, écorce, rameau de ce conifère.
Bois, branche, rameau, écorce de cèdre. Odeur, senteur, parfum de cèdre. Haie de cèdres. Bardeau de cèdre. Planche, poutre de cèdre. Latte, lambourde, madrier de cèdre. Perches, piquets, pieux, poteaux de cèdre. Clôture de cèdre. Éclats, éclisses de cèdre.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

Souvent cedre (XVIIe et XVIIIe s., plus rarement au XIXe s.), cédre (XVIIe et XVIIIe s.); parfois sed(d)re (XVIIe et XVIIIe s.), sèdre (XVIIIe s.), seidre (XVIIIe et XIXe s.) et saidre (XIX e s.). Voir Étymologie/Historique.
Citation(s) Référence(s)
Et celle de vers le nort est une terre haulte à montaignes toute plaine de arbres de haulte fustaille de pluseurs sortez et entre aultres y a pluseurs cedres et pruches aussi beaulx qu'il soict possible de voir pour faire mastz suffissans de mastez navires de troys cens tonneaulx [...].
1536 env., J. Cartier, dans M. Bideaux (éd.), Relations, 1986, p. 109.
[archives et textes anciens]
Ils [les canots] sont fort subjects à tourner si on ne les scay bien gouverner, & sont faicts d'escorce de boulleau, renforcez par le dedans de petits cercles de cedre blanc, bien proprement ara[n]gez: & sont si legers qu'un homme en porte aysement un.
1613, Les voyages du Sieur de Champlain, 2e partie, p. 169.
[archives et textes anciens]
Il croist aussi des Cedres, le bois en est fort tendre, il a la fueille platte, & le bois est quasi comme incorruptible: c'est pourquoy on s'en sert icy pour faire les clostures des jardins, & les poutres des caves : il sent assez bon; mais d'ordinaire les arbres ne so[n]t pas sains: cependant il s'en trouve plusieurs gros qui pourroient servir à faire du meuble : il rend une gomme, qui estant brûlée, a une tres-bonne odeur comme de l'encent.
1664, P. Boucher, Histoire veritable et naturelle, p. 41-42.
[archives et textes anciens]
Les Cedres se trouvent par contrées, il y en a de fort gros et en quantité. Sa qualité de durer longtems en terre joint a sa legereté, l'a fait mettre en grand usage a clôre les villes de Montreal, et des trois Rivieres a palissader les terrasses a Quebek et generallement a clôre tous les forts du pays et la pluspart des clôtures des Champs et Jardins, C'est aussy le seul bois dont on se sert a faire du bardeau.
1712, G. de Catalogne, ANQQ, Archives des colonies, Correspondance générale (Canada), vol. 33, fo 210vo.
[archives et textes anciens]
En se penchant sur la cime du cap à la Branche, on aperçoit, à travers les arbres qui croissent parmi les interstices des rochers, les troncs noueux de quelques vieux cèdres dont les rameaux inclinés s'étendent en parasol au-dessus de la grève.
1885, H. R. Casgrain, Une excursion à l'île aux Coudres, p. 23.
[littérature]
Le jour du mariage collectif était arrivé. Il faisait chaud. Des oiseaux s'ébrouaient dans le ciel, et le vent, qui soufflait du bon côté, répandait des odeurs de cèdre et de pimbina sur le chemin où avançait le cortège.
1993, M. Ouellette-Michalska, L'été de l'île de Grâce, p. 78.
[littérature]
Il y a deux sortes de Cedres, des blancs & des rouges; Il faut en être bien près pour distinguer l'un d'avec l'autre, parce que l'écorce est presque semblable. Ces arbres sont bas, toufus, pleins de branches, & a de petites feuilles semblables à des fers de Lacet. Le bois en est presque aussi leger que le liege. Les Sauvages s'en servent à faire les clisses & les varangues de leurs Canots. Le rouge est tout-à-fait curieux, on en peut faire de très beaux meubles qui conservent toûjours une odeur agréable.
1703, Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 2, p. 63-64.
[archives et textes anciens]

Commentaires

1. Cèdre figure dans de nombreux noms de lieux (surtout des lacs et des cours d'eau, v. RTQ 1987) et noms de rues du Québec. 2. Depuis le milieu du XVIIIe s., les botanistes réservent le nom de cèdre au cèdre véritable (genre Cedrus), dont le représentant le plus connu est le cèdre du Liban (v. Étymologie/Historique).

Synonyme(s)

cyprès (jusqu'à l'époque de Champlain, dans le milieu des marins)

Origine

Innovation sémantique français de référence

Historique

En France, le mot s'est écrit cedre jusqu'au début du XVIIIe s., puis cédre à partir de là; ce n'est qu'au XIXe s. (depuis 1835) que les lexicographes ont adopté l'orthographe cèdre (v. TLF et CatOrth). La graphie sedre a été relevée en ancien français (v. GodCompl, s.v. cedre). Attesté en français depuis le XIIe s., le mot cèdre a d'abord servi à désigner un grand conifère d'Asie et d'Afrique, du genre Cedrus (fam. des pinacées), dont l'espèce la plus célèbre est le cèdre du Liban (v. FEW cedrus 2, 564b, et TLF ). Bien avant que les systématiciens ne le réservent définitivement aux seules espèces de ce genre, des botanistes français avaient déjà transféré le nom à des genévriers à feuilles en forme d'écaille. Avec l'avènement de la taxonomie moderne, au milieu du XVIIIe s., sous l'autorité du naturaliste suédois Carl von Linné, les systématiciens ont fini par fixer les genres dans lesquels on classe actuellement les nombreuses espèces de conifères de la flore mondiale. Cela explique que l'habitude d'appliquer le nom de cèdre à des arbres n'appartenant pas au genre Cedrus ait été considérée comme impropre par les lexicographes dès la seconde moitié du XIXe s. (v. Dupiney 1857: «C'est à tort que l'on a étendu ce nom [...] à d'autres arbres, soit de la famille des Conifères, soit de familles différentes»; v. aussi Larousse 1866, Larousse 1960). – Depuis 1536 environ (Cartier). Il s'agit d'une nouvelle extension sémantique du mot cèdre qui, à partir du XVIe s., s'appliquait déjà en français à d'autres conifères que ceux du genre Cedrus.

Étymon du FEW

cedrus

Avis et recommendation(s)

Considéré comme un canadianisme de bon aloi par l'OLF en 1969 (v. OLFCan).

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.

Données encyclopédiques

Les colons établis en Nouvelle-France ont exploité abondamment le thuya occidental dont ils ont vite reconnu les nombreuses qualités. Son bois, résistant à la pourriture, est devenu l'un des matériaux tout indiqués pour la fabrication de diverses pièces entrant en contact avec le sol ou exposées aux intempéries. Aussi s'en est-on servi pour construire les palissades des forts et des villes (Québec, Trois-Rivières et Montréal) et la charpente pleine des maisons et des granges alors faites de pièces de bois fichées en terre. On en a tiré également les pieux et les perches des clôtures destinées à délimiter les terres et jardins, de même que les indispensables bardeaux propres à recouvrir murs et toitures des habitations ou de leurs dépendances. Plus tard, on a eu recours au bois de ce conifère pour fabriquer les traverses des chemins de fer, les poteaux des lignes de transmission, etc. L'écorce, fibreuse et souple, pouvait servir d'étoupe pour boucher les interstices entre les poutres des maisons de bois ou les rondins des cabanes en bois rond. Quant à ses rameaux, on les a utilisés très longtemps pour faire des balais qui laissaient, de l'avis d'auteurs nostalgiques, une odeur agréable dans toute la maison; on pouvait, en outre, les déposer dans les coffres à vêtements et les lits de camp des chantiers pour éloigner la vermine. Enfin, la sagesse populaire a souvent reconnu au thuya occidental diverses propriétés médicinales : la résine était utilisée pour soulager les maux de dents, l'écorce pour purifier ou clarifier le sang (v. notam. PPQ 1646x). Ce serait d'ailleurs une tisane de rameaux et d'écorce de ce conifère – appelé annedda par les Iroquoiens de Stadaconé – qui aurait sauvé du scorbut l'équipage de Jacques Cartier installé dans les environs de Cap-Rouge lors de l'hiver de 1535-1536.
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