Vedette

ouananiche (n. f.)
[ˈwananɪʃ]
1. Également au masculin (jusque dans les années 1930; paraît avoir été plus fréquent au XIXe s.). 2. L'élision devant ce mot n'est attestée que très rarement et paraît inusitée de nos jours (malgré Multi 1997 qui indique qu'on peut la faire).

Définition

Saumon atlantique (Salmo salar, fam. des salmonidés) vivant en permanence dans les eaux douces de lacs et de rivières du nord-est de l'Amérique du Nord, notam. dans celles du lac Saint-Jean.
La ouananiche est l'emblème animalier du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
[État des données: avancé]

Variante(s) phonétique(s)

[ˈwɛnanɪʃ] (région.)

Variante(s) graphique(s)

(jusqu'au début du XXe s., pour rendre compte de variations dans la prononciation) wananish, wenanish et ouinaniche; aussi huananiche (1897-1900) et houananich (1909) (pour une étude détaillée des graphies et des prononciations, v. LanthAmér 73-76)

Variante(s) morphologique(s)

awenanish (disparu); ouiananiche (vieux, rare)
Citation(s) Référence(s)
(Pour la variante wenanish). Le lac [Saint-Jean] abonde en plusieurs sortes de poissons, tels que le doré, la carpe, et l'achigan; la truite [...] et un poisson particulier appelé wenanish.
1828, J. Bouchette, dans Rapport des commissaires pour explorer le Saguenay, 1829, p. 148 (journal d'expédition probablement traduit de l'anglais).
[textes administratifs ou officiels]
(Pour la variante wananish). Il n'y a pas vingt ans, ils [les Montagnais] étaient encore les paisibles possesseurs de ces contrées fortunées. Les eaux du lac [Saint-Jean] leur fournissaient en abondance le brochet, le Wananish, le doré et la truite, et dans la forêt ils avaient l'orignal, le caribou, l'ours, la loutre et le lièvre; c'était là leur pain quotidien.
1876, Ch. Arnaud, dans Annales de la propagation de la foi pour la province de Québec, no 1, 1877, p. 30.
[autres textes écrits]
Le lac Saint-Jean, une espèce de mer intérieure à la tête du Saguenay, ainsi que ses nombreux tributaires, sont le domaine par excellence du fameux ouananiche ou saumon d'eau douce, qui attire aujourd'hui l'attention des pêcheurs et dont l'agilité et la saveur ne sont pas surpassées, même par son congénère, le vrai salmo salar.
1889, Description des cantons arpentés et des territoires explorés de la province de Québec, p. 906.
[textes administratifs ou officiels]
Je grimpe le rocher et arrive tout au haut de la chute. Une idée me vient : si le poisson remonte la chute, il se peut qu'il y ait ici des ouananiches qui attrapent ce que leur apporte le courant. Un lancer en diagonale et la cuiller est entraînée vers les chutes. Elle s'arrête soudain... Je relève ma canne et j'ai l'impression d'avoir ferré un doré. Un remous dans l'eau noire m'indique que le poisson est de taille; mais c'est un raté et la cuiller me revient vide. Je relance aussitôt au même endroit. Une deuxième touche... je ferre de nouveau et, cette fois-ci, je reconnais la tête d'une ouananiche émergeant de l'eau.
1957, J.-B.-S. Huard, Hameçons et cartouches, p. 185.
[littérature]
Mais si la ouananiche est l'emblème régional du lac Saint-Jean, on retrouve ce poisson ailleurs au Québec. On considère par exemple que la plupart des grosses rivières à saumons de la Côte-nord ont des populations de ouananiche, en amont des obstacles qui sont justement insurmontables pour les saumons marins. On retrouve la ouananiche dans plusieurs rivières et lacs du Nouveau-Québec et le poisson a été introduit avec succès dans le sud de la province, notamment au lac Tremblant, au nord de Montréal et au lac Jacques-Cartier, dans la réserve des Laurentides.
1990, La Presse, 23 juin, p. C3.
[presse, journaux, périodiques]
(Pour la variante awenanish). Le lac Saint-Jean est navigable pour des petits bâtimens de trente à quarante tonneaux, et abonde un [= en] poisson [sic] de différentes espèces, tels que brochet, poisson blanc, doré, truite, awenanish, poisson le plus délicieux du monde [...].
1824, Ch. Taché, dans Appendice du XXXIIIe volume des Journaux de la Chambre d'assemblée de la province du Bas-Canada, p. R-65.
[textes administratifs ou officiels]
(Pour la variante ouiananiche). [...] ces messieurs nous sont revenus avec une soixantaine de ouiananiches dont la plus petite ne pesait pas moins de 3 livres.
1910, Le Travailleur, Chicoutimi, 22 sept. 1910, p. 4 (aussi dans une publicité du même journal, le 17 juin 1909, p. 4).
[presse, journaux, périodiques]

Synonyme(s)

saumon d'eau douce, saumon atlantique d'eau douce (voir Encyclopédie)

Origine

Emprunt d'un lexème, d'un syntagme, d'une expression (avec son sens) amérindien

Historique

Le mot ouananiche a été emprunté à la langue des Montagnais qui nomadisaient dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. On le relève dans cette langue sous les formes a8annanich et auananich aux XVIIe et XVIIIe (v. Fabvre, et Laure 742). On atteste aussi le mot montagnais sous une forme annanish au début du XIXe s., mais cette notation paraît résulter d'une mauvaise saisie du mot dans sa prononciation montagnaise (v. A. Larue, ms. «Description du Saguenay», 1825, ANQQ, AP-P 1170, fo 4 : [...] il y à aussi [dans le lac Saint-Jean] de la Annanish poisson ainsi nommé par les sauvages dont le nom en français est inconnu; où l'on voit bien que le mot est étranger à l'auteur). Cet emprunt a pénétré dans le français du Québec sous diverses variantes de prononciation avant de se fixer sous sa forme actuelle, vers la fin du XIXe s. On le rencontre d'abord sous la forme awenanish (1824), puis wenanish (1828), qui rendent compte d'une prononciation []. La variante avec [wa] n'est attestée que depuis 1876, d'abord notée wananish (voir citation), puis sous son orthographe actuelle depuis 1881 (A.-B. Routhier, En canot, p. 116; à noter qu'elle ne figure pas dans le manuscrit original de 1726 de Laure, ayant été ajoutée mal à propos par l'éditeur à la p. 579 du texte publié). Depuis la fin du XIXe s., on a proposé plusieurs interprétations du mot montagnais, par exemple : «little salmon» («popular translation», selon ChambOuan 136-137, qui n'endosse pas cette hypothèse); «Voyez le petit!» ou «Il est là le petit!» (d'après A.-N. Montpetit, Les poissons d'eau douce du Canada, 1897, p. 497-498); «le petit égaré» (d'après GuinInd); «celui qui se trouve partout» (d'après une lettre de 1961 du père A. Éthier, évoquée dans J.-P. Blais et V. Legendre, Tentatives de création d'eaux à ouananiches, 1978, p. 8). Aucune de ces explications ne paraît assurée, de sorte qu'il ne faut pas tenir pour acquise celle que véhiculent certains dictionnaires de France où le mot montagnais est défini par «le petit égaré» (v. PRobert 1977-2002, Robert 1985-2001, Larousse 1987; repris dans Multi 1997). Les deux genres sont attestés depuis 1876 (pour le masculin, v. la citation; pour le féminin, v. L. Provancher dans NatCan 8/3, p. 69).

Avis et recommendation(s)

Le mot figure parmi les «canadianismes de bon aloi» (v. OLFCan).

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.

Données encyclopédiques

Du point de vue taxonomique, ce poisson n'est que la forme d'eau douce du saumon atlantique, d'où les noms de saumon d'eau douce et de saumon atlantique d'eau douce qu'on lui donne souvent.
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