Vedette

pruche (n. f.)
[pʀʏʃ]
A pu être employé parfois au masculin (à ce sujet, voir prusse).

Définition

(Sous le Régime français). Variante de prusse.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

peruche, péruche, perruche (au XVIIIe s., parfois, par certains auteurs ou typographes (v. Étymologie/Historique); prûche (aux XVIIIe et XIXe s., parfois)
Citation(s) Référence(s)
Et celle de vers le nort est une terre haulte à montaignes toute plaine de arbres de haulte fustaille de pluseurs sortez et entre aultres y a pluseurs cedres et pruches aussi beaulx qu'il soict possible de voir pour faire mastz suffissans de mastez navires de troys cens tonneaulx [...].
1536 env., J. Cartier, dans M. Bideaux (éd.), Relations, 1986, p. 109.
[archives et textes anciens]
Ceste riviere [de l'Équille, à Port-Royal, en Acadie] a prés d'un quart de lieue de large en son entree, où il y a une isle, laquelle peut contenir demye lieue de circuit, remplie de bois ainsi que tout le reste du terroir, comme pins, sapins, pruches, boulleaux, tra[m]bles, & quelques chesnes qui sont parmy les autres bois en petit nombre.
1613, S. de Champlain, Les Voyages du Sieur de Champlain, 1re partie, p. 21.
[archives et textes anciens]
[...] il [un Amérindien] fut si admirablement bien secouru, qu'au bout des dix jours il commença de se lever, & nous aller visiter jusques chez nous, où il monstra à nos Religieux ce dequoy il s'estoit servy pour se guerir, qu'estoit de la seconde escorce d'un arbre, appellé pruche espece de sapin, laquelle ces gens luy faisoient bouillir & de la decoctio[n] ils l'en lavoient continuellement, ce qui le rendit sain & gaillard en moins de trois sepmaines.
1636, G. Sagard, Histoire du Canada, p. 678.
[archives et textes anciens]
[...] de construire led[it] bastiment de bois de pruche avec posteaux de huict pieds en huict pieds, garnis entre deux de madriers dudit bois de pruche de trois pouces d'espois [...].
1649, Québec, ANQQ, gr. L. Bermen, 19 juin, p. [1] (pruche s'applique probablement ici au Tsuga).
[archives et textes anciens]
Toute la coste de la mer est horrible [aux Sept-Îles] il ny a pas un poulié de Terre [«amas de terre qui s'étire le long des côtes»] tout est rochers, couverts de Tres petits arbres pruches Sapins [...], il y a du gibier sans fin tous oyseaux de marine qui puent lhuylle a plaine Bouche.
1673, dans RJ 59, p. 56-58 (pruche s'applique probablement ici au Picea).
[archives et textes anciens]

Commentaires

Relevé au cours des XVIe et XVIIe s. dans des écrits où il est difficile d'identifier le conifère en question, bien qu'il doive s'agir soit de l'épinette (Picea), soit de la pruche (Tsuga).

Historique

Pruche est une variante phonétique du mot prusse. Cette prononciation est typique des parlers de la Normandie et de la Picardie où la consonne [s] des mots français reçoit souvent comme correspondant la consonne [S], d'où, par exemple, puche plutôt que puce pour le nom du petit insecte sauteur parasite des animaux (v. ALF 1100, BaudClairv, BourdNorm, CartPic, DubPic, MaizNorm et VassPic; v. aussi RoussBot 69-70). Ce trait de prononciation a également eu cours à l'époque de la Nouvelle-France (attesté par des graphies comme charge pour serge, Franchois pour François, v. JunPron 139-144 et PoirPron 209-210); on en trouve des traces jusqu'au XIXe s. dans le parler du peuple, mais cette habitude phonétique, qui devait paraître insolite aux oreilles des immigrants issus de régions autres que la Normandie, n'a pu s'imposer dans l'usage général. Dans ce contexte, le fait que la variante pruche était déjà implantée solidement dans la colonie laurentienne dans la première moitié du XVIIe s. est une indication que le mot s'était figé sous cette forme dans le parler de ceux qui l'ont répandu, notamment les marins au nombre desquels les Normands étaient bien représentés (déjà à l'époque de Jacques Cartier). La variante pruche n'a pas été adoptée par les Français de passage en Nouvelle-France, qui lui ont préféré la forme prusse (sauf au sens 02.), conformément aux habitudes de prononciation qui avait cours dans le Bassin parisien. Les Acadiens, qui sont originaires du Poitou et de la Saintonge dans une large majorité, ont eu le même réflexe. Les variantes du type peruche, péruche et même perruche (auxquelles on doit ajouter perusse et pérusse dans le cas de prusse) s'expliquent probablement au départ par un phénomène d'hésitation dans la prononciation du e muet; la chute de ce e est bien attestée dans les documents d'époque (par ex. ptite pour petite, scrétaire pour secrétaire), et il est probable que les scribes hésitaient dans bien des cas quant à la pertinence de noter cette voyelle, d'où des graphies inverses comme conterat pour contrat, Champelain pour Champlain, etc. (v. PoirPron 222-223, n. 112). Les graphies perusse et peruche seraient elles aussi des graphies inverses qui auraient été par la suite réinterprétées, d'où l'ajout de l'accent sur la première syllabe et le redoublement du r qui peuvent refléter des prononciations réelles, mais hypercorrectes (GPFC, s.v. pruche, affirme : «On disait aussi autrefois pérusse»). – Depuis 1536 environ, dans la première relation de Cartier; dans la seconde relation (1538 environ), on relève encore le même mot dans un passage qu'a repris presque tel quel M. Lescarbot en 1609 et que citent Godefroy et Huguet (v. M. Bideaux (éd.), Relations, 1986, p. 147, et M. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle France, 1609, p. 348; v. aussi FEW 21, 53b, qui date le mot de 1608, ce qui est une erreur s'il s'appuie sur Lescarbot). On a classé sous ce sens les cas où le référent de pruche est difficile à identifier avec précision; il s'agit vraisemblablement de conifères des genres Picea et Tsuga ou, à la limite, du genre Abies (comme l'a suggéré Bideaux en commentant le mot employé par Cartier; ibid., p. 330, n. 221).

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.
QU: 3008