Vedette

pruche (n. f.)
[pʀʏʃ]

Définition

(Sous le Régime français). Nom donné à l'épinette.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

peruche, péruche, perruche (au XVIIIe s., parfois, par certains auteurs ou typographes (v. Étymologie/Historique); prûche (aux XVIIIe et XIXe s., parfois)
Citation(s) Référence(s)
Dans le reste du chemin [...], ce n'est que des escarpements et des chaînes de rochers impraticables avec des voitures, touttes les terres des environs de la mer sont couvertes de bois de sapin et de mauvais pruche.
1752, «Voyage fait [en Acadie] par le Sr de La Roque, arpenteur du Roy», dans Rapport concernant les archives canadiennes pour l'année 1905, vol. 2, 1909, p. 11 (paraît être employé au masculin, comme prusse; à la p. 75, l'auteur oppose pruche, sapin et héricot haricot), ce qui confirme le sens d'«épinette» pour pruche).
[archives et textes anciens]
Mr de Bleury [...] n'a point apporté de vin, l'armée est à l'eau et à la bière depuis quinze jours. Cette bière ou sapinette se fait avec de la melasse ou lie de cassonnade et de la pruche qui est une espèce de sapin, dont on fait bouillir la branche quand elle est en sève.
1756, le comte de Bougainville, dans RAPQ 1923-1924, p. 234 (journal).
[archives et textes anciens]
Le général Murray a envoié à l'hôpital des vivres pour ses malades et a fait demander de la perruche, qui est un excellent antiscorbutique.
1760, A.-J.-H. de Maurès de Malartic, dans G. de Maurès de Malartic et P. Gaffarel (éd.), Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760, 1890, p. 321.
[archives et textes anciens]
Ils [les habitants du port Toulouse, à l'île Royale] ont fait les premiers de la bierre très bonne et antiscorbutique avec les sommités d'une espece de sapin nommé Perusse ou Pruche, et tirent du même arbre une gomme qu'ils appellent therebentine, espece de beaume blanc.
1760, Th. Pichon, Lettres et mémoires pour servir à l'histoire naturelle, civile et politique du Cap Breton, p. 33.
[archives et textes anciens]

Commentaires

Employé vers le milieu du XVIIIe s. par des officiers et des fonctionnaires du roi de France de passage en Nouvelle-France, et le plus souvent associé à la fabrication de la bière d'épinette, aux propriétés antiscorbutiques.

Synonyme(s)

Historique

Pour l'origine de la forme, voir sens 01. – Depuis 1752 (La Roque); mais dès 1748, de façon indirecte, d'après cet extrait d'une relation de J. Juan et A. de Ulloa, capitaines de frégate de l'armée navale espagnole, concernant l'île du cap Breton et ses habitants acadiens, dans lequel cerveza de pruche rend bière de pruche (v. Relacion historica del viage a la America meridional, t. 2, p. 493) : à esta dàn el nombre de Pruche, y con las ramas de su cogollo hacen un cozimiento, que mezclan despues con un poco de Melaza, y dexado fermentar es la Cerveza, que se bebe alli à pasto; porque siendo las Aguas muy delgadas, y penetrantes, no se puede usar de ellas sin exponerse al inmediato peligro de padecer Dissenterias ; pero convertida en la Cerveza de Pruche queda muy saludable, y no desagradable al gusto, despues de haverse acostumbrado à ella (passage à mettre en relation avec l'exemple de 1735 cité sous prusse). Vers le milieu du XVIIIe s., on observe que des officiers et des fonctionnaires français de passage en Nouvelle-France ont tendance à employer pruche en parlant de l'épinette, alors que les Canadiens utilisent eux-mêmes épinette (pruche s'appliquant plutôt dans leur usage à un conifère du genre Tsuga; v. sens 03.) et que les Acadiens emploient prusse. Autant qu'on puisse en juger d'après les données disponibles, il semble que les Français – dont Montcalm, Bougainville, Malartic et Lévis, envoyés en Nouvelle-France pour protéger la colonie contre les forces britanniques – ont employé malencontreusement la variante canadienne pruche dans les cas où ils avaient à traduire l'anglais spruce «épinette»; par exemple, c'est dans ce sens qu'on relève le mot pruche chez le chevalier de Lévis et le général anglais James Murray dans leur échange de correspondance à un moment où l'Anglais réclame de la «pruche» [c.-à-d. de l'épinette] aux Français pour guérir du scorbut les soldats de sa garnison (v. H.-R. Casgrain, Collection des manuscrits du maréchal de Lévis, vol. 2, 1889, p. 298-300; v. aussi les exemples de 1756 (Bougainville) et de 1760 (Malartic)). Comme on retrouve ce même emploi dans la documentation relative à l'Acadie, chez des fonctionnaires français et chez les capitaines de frégate espagnols mentionnés ci-dessus, on peut présumer qu'il avait cours de façon plus large dans la milice ou la marine, parallèlement aux usages établis dans les colonies acadiennes et canadiennes, d'autant que la boisson faite à partir des rameaux de l'épinette, réputée salutaire et antiscorbutique, était bien connue dans ces milieux. Cet exemple illustre la tendance qu'ont eu les Français de passage en Nouvelle-France à construire leur propre usage en parlant des réalités du pays, sans prendre en compte celui qui avait cours chez les Canadiens (v. aussi sapinette).

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.
QU: 3009