Vedette

sapin (n. m.)
[sapẽ]

Définition

(Sous le Régime français). Nom générique de quelques conifères à aiguilles, regroupant surtout le sapin véritable (Abies), l'épinette (Picea) et la pruche (Tsuga).
[État des données: avancé]
Citation(s) Référence(s)
Ledit port de Tadousac est petit, où il ne pourroit que dix ou douze vaisseaux : mais il y a de l'eau assez à Est à l'abry de ladite riviere de Sagenay le long d'une petite montagne qui est presque coupee de la mer : le reste se sont montagnes hautes eslevees, où il y a peu de terre, sinon rochers & sables remplis de bois de pins, cyprez [«thuyas»], sapins, boulles [«bouleaux»], & quelques manieres d'arbres de peu [...].
1603, S. de Champlain, Des Sauvages, p. 3ro.
[archives et textes anciens]
Il y a aussi beaucoup de Sapins de trois especes, dont les uns ont la feüille plate, de la longueur & largeur d'un fer d'aiguillette, en pointe rangée le long de la branche, qui est celuy dont le grain est le plus gros; la seconde espece a bien la feüille de mesme, mais elle vient tout au tour de la branche & picque, & la troisiéme a aussi la feüille tout au tour, mais plus claire & éloignée & ne pique point; on l'appelle Prusse, ayant le grain beaucoup plus serré que les autres; il est bien plus propre pour la mâture & le meilleur [...].
1672, N. Denys, Description geographique et historique des costes de l'Amerique septentrionale, t. 1, p. 23-24.
[archives et textes anciens]
Ces deux especes de sapin qu'on nomme Epinette sont ordinairement de fort grands arbres et fort droits, il y en a aussi qui sont d'une grosseur prodigieuse. On les emploie frequemment pour la mature des petits navires, et on pourroit aussi s'en servir pour les gros navires. Lorsque ces sapins sont en plein air ils ont des branches depuis la terre jusqu'a la cime de l'arbre, mais lorsqu'ils sont environnés d'autres arbres leur tronc est ordinairement fort nud et sans branches.
1749, J.-Fr. Gaultier, ANQQ, ms. «Description de plusieurs plantes du Canada», fos 19-20.
[archives et textes anciens]

Commentaires

Relativement rare, mais attesté sous la plume d'auteurs français jusqu'à la Conquête anglaise.

Synonyme(s)

sapinage (mot utilisé par les Canadiens dès les années 1660, voir Étymologie/Historique)

Historique

En Nouvelle-France, il s'est construit, à partir du XVIe s., une nomenclature populaire relative aux conifères à aiguilles de l'Est nord-américain qui n'a atteint son expression définitive qu'au cours du XVIIe s., mais avec des résultats différents chez les Canadiens et chez les Acadiens. Les premiers Français qui atteignirent les côtes de l'Amérique ne connaissaient pas toutes les essences de résineux qui y abondaient, certaines leur étant peu familières (comme l'épinette et le mélèze) et d'autres complètement inconnues (comme la pruche). Bien que, dans leur usage, le mot sapin ait servi à désigner le sapin véritable (Abies), ils l'ont parfois employé aussi avec une valeur générique, variable en extension selon les auteurs, regroupant surtout quelques conifères à aiguilles courtes et isolées – c.-à-d. distribuées une par une sur les rameaux – de la famille des pinacées, tels le sapin baumier (Abies balsamea), l'épinette (Picea), la pruche (Tsuga) et sans doute aussi l'if (Taxus); ils ne paraissent toutefois pas l'avoir appliqué au pin (Pinus), pourvu d'aiguilles réunies en faisceaux de deux, trois ou cinq sur les rameaux, dont ils connaissaient bien le nom. Employé avec une telle valeur, sapin s'est conservé dans l'usage de certains auteurs français jusqu'à la fin du Régime français – comme on l'observe encore en 1749 chez le médecin et botaniste J.-Fr. Gaultier, qui classe l'épinette dans le genre Abies –, mais il avait cessé d'être utilisé ainsi au sein de la population coloniale de la Nouvelle-France au fur et à mesure qu'elle fixait des noms particuliers pour les essences de conifères dont elle avait appris à reconnaître peu à peu les caractéristiques propres. Dans la vallée du Saint-Laurent, les Canadiens appliquèrent le nom de pruche à un conifère du genre Tsuga, celui de épinette ou épinette blanche à ceux du genre Piceaépinette rouge dénommant un résineux du genre Larix – et celui de sapin au seul sapin baumier, créant en revanche sapinage pour le remplacer dans sa valeur générique. Pour leur part, les Acadiens dénommèrent aussi sapin le sapin baumier, mais haricot la pruche des Canadiens et prusse leur épinette. – Depuis 1603 (Champlain; v. le commentaire de Marie-Victorin, Notes pour servir à l'histoire de nos connaissances sur les Abiétacées du Québec, 1926, p. 447 : «Champlain dans ses Œuvres désigne par le mot Sapin le vrai Sapin et toutes les Épinettes vraies ou fausses. Rien d'étonnant à cela puisque le grand Linné, un siècle et demi plus tard, n'était guère plus avancé.»). Héritage de France, où le mot est attesté depuis au moins le XVIIe s. comme générique s'appliquant à des conifères qui appartiennent à plusieurs genres distincts (v. Fur 1690 : «Le sapin est un grand arbre resineux si semblable à la pesse [«épicéa»], que les Charpentiers prennent l'un pour l'autre»; v. aussi Robert 1985). Dans la langue des botanistes, cet emploi s'est maintenu au moins jusqu'à la fin du XIXe s. (v. Larousse 1866), mais il est considéré de nos jours comme abusif (v. Robert 1985).
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