Vedette

tête carrée (loc. nom.)
[tɜtkɑʀe]
Souvent au pluriel.

Définition

Fam., péjor. Terme d'insulte à l'adresse des anglophones.
Traiter les Anglais de têtes carrées. (Dans des injures). Maudites têtes carrées! Les hosties de têtes carrées.
[État des données: avancé]
Citation(s) Référence(s)
Aux alentours du Lac Saguay Il était venu pour bûcher Et pour les femmes... Il trimait comme un déchaîné Pis l'sam'di soir allait giguer Avec les femmes... Un Québécois comme y en a plus Un grand six-pieds poilu en plus Fier de son âme [...] Mais son patron, une tête anglaise, Une tête carrée entr'parenthèses Et malhonnête... Mesurait l'bois du Grand six-pieds Rien qu'à l'œil un œil fermé Y était pas bête... Mais l'Grand six-pieds l'avait à l'œil Et lui préparait son cercueil En épinette[.]
1961, Cl. Gauthier, «Le grand six-pieds», dans R. Chamberland et A. Gaulin, La chanson québécoise de La Bolduc à aujourd'hui, 1994, p. 108-109 (chanson).
[littérature]
[...] il y avait quelque chose de touchant à voir ces têtes carrées, comme on les appelait dans le temps, se débattre avec leurs arguments un peu bidon, s'empêtrer dans leurs définitions de ce qu'est un Québécois et un Quebecer, chanter les mérites de la culture française tout en se plaignant de cette langue qu'on les oblige à parler sous peine de déportation, jurer qu'ils allaient quitter massivement Montréal cet été tout en clamant que c'était la meilleure ville au monde et qu'ils étaient ici chez eux, bon.
1996, N. Petrowski, dans La Presse, 26 avril, p. A5.
[presse, journaux, périodiques]
[Jean-Guy] Talbot et plusieurs de ses coéquipiers (dont Maurice Richard, bien sûr) étaient eux aussi régulièrement la cible d'injures racistes. [...] «Ça faisait partie de la game», explique Talbot, qui a remporté sept coupes Stanley dans l'uniforme du Tricolore. «Les anglais nous traitaient de 'Frogs' et de 'Pepsi'. Nous, on les traitait de têtes carrées. Évidemment, on ne se disait pas ce genre de chose comme ça, sans raison. Ça sortait quand on était vraiment fâchés.»
2000, Le Nouvelliste, Trois-Rivières, 5 janvier, p. 19.
[presse, journaux, périodiques]

Synonyme(s)

bloke

Origine

Innovation sémantique français de référence

Historique

Depuis 1961, mais sans doute attesté avant cette date dans la langue orale. L'appellation tête carrée, que bon nombre de linguistes québécois considèrent comme un calque de l'anglais squarehead «personne bornée, têtue» (v. Colpron-2 91; Meney s.v. tête), paraît en fait plutôt issue de la langue française. Tête carrée, en référence à des individus, est en effet attesté en France depuis la fin du XVIIIe s. (v. TLF, s.v. carré, ée). Si tête carrée désigne, à l'origine, dans la langue familière des Français, une «personne au jugement juste, ferme et solide» (v. Académie 1798-1835, Besch 1847-1892, s.v. tête; Dupiney 1857, s.v. carré, ée), le mot tend à être investi de connotations négatives à partir du milieu du XIXe s. Tête carrée commence alors à se dire, en mauvaise part, d'une «personne entêtée, butée, opiniâtre» (v. Littré, Larousse 1866, Guérin, s.v. carré, ée), tendance qui se maintient au cours du XXe s. (v. Académie 1932, Quillet 1937-1974, Robert 1953, s.v. tête; Larousse 1928-1960, Robert 1985-2001, s.v. carré, ée). De façon plus particulière, tête carrée commence aussi à s'appliquer à des peuples reconnus pour leur fermeté, leur inflexibilité et leur rigidité – selon des préjugés et des stéréotypes populaires –, tels que les Allemands (v. Larousse 1866, Guérin, EncXXe, Robert 1953, s.v. carré, ée; Robert 1985-2001 considère cet emploi comme ancien et argotique). C'est ainsi que tête carrée, au Québec, a pu être associé aux anglophones à compter de la seconde moitié du XXe s. Bien que le slang américain squarehead ait lui-même servi à désigner de façon péjorative certains groupes ethniques à partir du début du XXe s. (notam. les Allemands et les peuples scandinaves; v. Webster 1976-1993, Random 1979-1983 et OEDSuppl 1986, qui donne un ex. de 1903 et qui soutient que squarehead était un sobriquet d'usage courant dans les milieux militaires au cours de la Première Guerre mondiale), l'examen des données précédentes donne à penser que tête carrée ne découle probablement pas directement de l'anglais. Tête carrée, apparu en français au moins un siècle avant squarehead en anglais, ne paraît pas avoir eu besoin de la langue anglaise pour s'implanter dans le français du Québec.
QU: 3108