Vedette

aboiteau (n. m.)
[abwato]

Définition

En Acadie et dans certaines régions du Bas-Saint-Laurent, digue dressée en bordure de la mer (ou d'une rivière soumise aux variations du niveau de ses eaux) qui, par le moyen d'une vanne à clapets, permet d'assécher les terres marécageuses du littoral en vue de les rendre propres à la culture. - Vanne à clapets dont cette digue est pourvue.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

abboiteau, aboîteau et abouéteau (parfois); ab(b)oteau (à époque ancienne); apoteau
Citation(s) Référence(s)
Il seroit aussy bon de les obliger au défrichement des terres hautes. La plupart des habitans comme au Port Royal, aux Mines, ne s'amusant qu'à faire des levées dans des marais où ils sèment leur bled, ce qui leur porte beaucoup de préjudice par plusieurs raisons, dont la première est que le bled qu'ils sèment dans leurs marais est d'un grain très petit qui rend à moitié son, et quy ne conserve pas; que les marées bien souvent crèvent leurs aboteaux et innondent [sic] leurs terres, qui ne produisent plus de quelque année quand elles ont esté abreuvées d'eau salée [...].
1687, J. de Gargas, dans L. Zibara, Deux récits de voyage en Nouvelle-France au dix-septième siècle, 1982, p. 112.
[archives et textes anciens]
Au pied du Blomidon, la mer se déroule en un bassin presque circulaire. [...] Vers le sud et vers l'est, les yeux passent du bleu au vert, insensiblement toutefois, comme si l'espace conquis par les aboîteaux avait gardé quelque chose de la couleur de la mer.
1932, A. de Lestres, Au cap Blomidon, p. 180-181.
[littérature]
Vous trouverez au bord des rivières, à Grand-Digue, par exemple, des aboiteaux longs et bas, construits pour affronter les hausses printanières des petits courants d'eau; et en bordure d'océan, comme à Grand-Pré, des aboiteaux courts et hauts, pour faire face aux grandes marées.
1973, A. Maillet et R. Scalabrini, L'Acadie pour quasiment rien, p. 54.
[littérature]
[...] il ressort des observations faites par les agriculteurs dont les champs voisinent les battures retournées en marais, par suite de la détérioration des aboiteaux et surtout des clapets de bois remontant parfois jusqu'à 30 années, que ces digues n'ont pas été nuisibles aux oiseaux migrateurs.
1980, Le Soleil, 28 avril, p. A4.
[presse, journaux, périodiques]

Origine

Maintien d'un lexème, d'un syntagme, d'une expression (avec son sens) parlers régionaux de France

Historique

De l'ancien français bot «chaussée; digue, bord surélevé d'un canal», lui-même issu d'un germanique *bu+tt (v. FEW 15-2, 45a). – Depuis 1687 sous la forme aboteau, depuis le milieu du XVIIIe s. sous la forme aboiteau (d'après Mass no 628). Hérité des parlers de l'Ouest de la France où il est bien attesté comme terme désignant divers types de barrages et de vannes (v. FEW id.; v. aussi MussSaint, s.v. abota; MeyAun, s.v. aboteau; GachPoit, s.v. abotais; ALF 440, pt 512 [abOto]; FénAgr-2; TLF, s.v. aboteau). En France, on trouve surtout la forme aboteau; aboiteau, selon Wartburg, pourrait avoir subi l'influence du mot bois (v. FEW id., 46b, n. 30). Le mot est attesté depuis 1825 dans des textes anglais de la région des Maritimes (v. DictCan).

Étymon du FEW

*butt

Bilan métalinguistique

GPFC et MassÎG 101 (pour la variante apoteau).

Avis et recommendation(s)

Terme recommandé par l'OLF (v. OLFAvisR-4, no 7).

Données encyclopédiques

Typique du paysage acadien, la digue appelée aboiteau consiste en une levée de terre battue puis consolidée de divers matériaux (troncs d'arbres, roches, mottes d'herbe); elle est plus ou moins longue et profonde selon la configuration des lieux et la puissance des eaux à contenir. Destinée avant tout à assécher les terres marécageuses du littoral en vue de les rendre propres à la culture, cette digue est pourvue d'une vanne qui est elle-même munie d'un mécanisme commandant un clapet qui s'ouvre à marée basse (ce qui permet à l'eau des terres de s'écouler grâce à des canaux spécialement aménagés à cet effet) et se ferme à marée haute (ce qui empêche l'eau d'envahir les terres). La technique de construction des aboiteaux a été apportée en Acadie au XVIIe s. par les colons venus de l'Ouest de la France (v. Étymologie / Historique), région où on la pratiquait déjà depuis le XIe s., notamment dans le Marais poitevin. De l'Acadie, cette technique est passée non seulement au Québec (où elle a été mise à profit dans la région du Bas-du-Fleuve, à Kamouraska par ex.), mais aussi en Louisiane (on y trouve en effet des aboiteaux le long du Mississippi). - M. Barbeau, Maîtres artisans de chez-nous, 1942, p. 104; J.-Cl. Dupont, «Les défricheurs d'eau», dans Culture vivante, déc. 1972, p. 6-9; G. Gourde, Les aboiteaux, comté de Kamouraska, 1980; Les Cahiers de la Société historique acadienne, vol. 19, nos 1-2, 1988; Atlas historique du Canada, t. 1, 1987, pl. 29; Y. Cormier, Les aboiteaux en Acadie, 1990.
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