Vedette

bâdrer (v. trans.)
[bɑdʀe]
Dans l'usage populaire, le groupe consonantique -dr- peut se prononcer [d4R] quand le verbe comporte trois syllabes, comme dans badrerai [b1d4RRé], ou dans des séquences comme bâdre-moi pas [b1d4Rmwép1] (v. Étymologie/Historique).

Définition

Fam. (Sujet animé). Déranger, importuner (qqn).
Bâdrer qqn avec qqch. Bâdrer qqn pour (faire) qqch. Bâdre-moi pas! Bâdrez-moi plus avec ça! Viens (donc) pas me bâdrer! Se faire, se laisser bâdrer.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

badrer; bâder (vieux, rare; relevé dans quelques localités au début du XXe s., d'après FSPFC)
Citation(s) Référence(s)
(Pour la variante badrer). Le vieillard [c.-à-d. le beau-père] prit la main que l'autre [c.-à-d. le prisonnier] lui tendait, pendant que celui-ci lui dit : Mais pourquoi m'avez-vous refusé la porte chez vous l'autre jour quand je suis allé pour voir ma femme ? [.../] Le prisonnier ajoute quelques paroles à la suite desquelles son beau-père lui dit : Tiens, laisse-moi tranquille, je suis trop vieux pour me laisser badrer.
1854, Le Canadien, Québec, 30 janvier, p. [2] (relation d'un procès).
[presse, journaux, périodiques]
Jos Violon – vous le savez – a jamais été ben acharné pour bâdrer le bon Dieu et achaler les curés avec ses escrupules de conscience; mais, vrai, là, ça me faisait frémir.
1898, L. Fréchette, «Tipite Vallerand», dans A. Boivin et M. Lemire (éd.), Contes II. Masques et fantômes, 1976, p. 157.
[littérature]
Nézyme, commence par me laisser tranquille avec la politique. Viens pas me bâdrer avec ton Laurier. Les rouges, moé, y sont tous pareils, depuis le premier jusqu'au dernier.
1918, La Patrie, Montréal, 12 oct., p. 9 (chron. humor.).
[littérature]
Quant à Hector, peu après la vente de la terre, il avait dit à son père : «Donnez-moi deux mille piastres pour partir mon commerce et je vous badrerai pas ensuite.»
1950, A. Laberge, Le destin des hommes, p. 110-111.
[littérature]
L'interlocuteur à l'autre bout s'énervait, multipliant les arguments comme s'il dépendait d'elle qu'il soit aussitôt dépanné. Madame Breton s'impatienta : «Si vous restiez chez vous les jours de tempête au lieu de venir nous bâdrer dans notre travail!» Silence dans le récepteur. L'homme n'avait pas prévu que, malheureuse victime de la tempête, il en devenait un inconvénient.
1977, M. Ferron, Le chemin des dames, p. 96-97.
[littérature]
– Maman-an... c'est quoi un pi-on-nier ? – Un pionnier, c'est, c'est... l'premier qui passe! – Ça veut-tu dire qu'on est toutes des premiers qui passent ? – Qui ça, toutes ? – Ben, toute el pique-nique! – Ah! viens donc pas m'bâdrer avec ça! [...] Tu vois ben qu'maman a pas l'temps, là...
1981, M. Laberge, Ils étaient venus pour..., p. 24.
[littérature]
Quant aux pantouflards qui, à certain moment donné de leur vie, ont décidé une fois pour toutes de fuir le bruit, la fête, la foule, et donc, à plus forte raison, le Carnaval et ses œuvres, je les comprends tout à fait. C'est leur droit le plus élémentaire. Mais arrêtons de les badrer avec les sondages sur le Carnaval. Non seulement ils s'en fichent éperdument, mais ils ne savent même pas de quoi il est question.
1997, Le Soleil, 10 février, p. A5.
[presse, journaux, périodiques]

Synonyme(s)

Origine

Emprunt d'un lexème, d'un syntagme, d'une expression (avec son sens) anglais

Historique

Depuis 1854. Probablement de l'anglais to bother, de même sens (v. OED et Webster 1993). L'origine du mot a donné lieu à des interprétations opposées chez les observateurs du français canadien, certains le considérant comme issu de l'anglais, d'autres comme hérité des parlers de France. Dans DFQ 1985, on penchait plutôt vers la seconde hypothèse en s'appuyant sur des données anglo-normandes et picardes. À la lumière de recherches plus récentes (v. BrassAngl 239) et en exploitant d'autres indices, il paraît plus plausible de croire que le mot a été emprunté de façon parallèle à l'anglais dans les îles anglo-normandes et dans les français d'Amérique. Ainsi, dans les parlers des îles de Jersey et de Guernesey, on l'atteste entre autres dans la locution bâdrer la tête de qqn, calquée de l'anglais to bother one's head, qui est inconnue en français québécois (v. LeMJers, SpenceJers, FleurManch 52, GarGuern-3, s.v. badraïr, MétGuern, s.v. badraïr). En outre, rien n'indique que les mots de la famille de bâdrer relevés dans des parlers anglo-normands et picards aient été connus dans les régions d'où sont partis les colons à l'époque coloniale. On ne relève d'ailleurs aucun de ces mots dans les anciennes colonies françaises des Antilles, de la Louisiane et de la Réunion, ce qui aurait pu signifier qu'ils étaient employés sur d'autres portions du territoire de la France aux XVIIe et XVIIIe s. Le verbe bâdrer est attesté dans les parlers franco-américains de la Nouvelle-Angleterre et du Missouri (v. par ex. LockeBr 197, FischAm 47, MailhMaine 113, DorrSteGen, CarrDial 116). La prononciation [d4R] du groupe consonantique -dr- dans des formes comme badrerai [b1d4RRé] ou des séquences comme bâdre-moi pas [b1d4Rmwép1] s'explique par le développement d'une voyelle devant [R] pour faciliter la prononciation de consonnes successives (v. JunPron 205-206 et PoirBell 131-135). Bâder, depuis 1905 (d'après FSPFC).
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