Vedette

chevreuil (n. m.)
[ʃəvʀœj]
Au pluriel : chevreux (pop.), chevreuils (usuel).

Définition

Nom commun des cerfs américains de taille moyenne, en partic. du cerf de Virginie (Odocoileus virginianus) qui présente un pelage brun rougeâtre (plutôt grisâtre en hiver) marqué de blanc au poitrail, au ventre et sous la queue, et qui est l'espèce la mieux connue et la plus répandue.
Des mocassins en peau, en cuir de chevreuil. (Dans des comparaisons). Courir, bondir, sauter comme un chevreuil.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

Au singulier : chevreüil (XVIIe-XVIIIe s., le tréma sert à préciser qu'il s'agit d'un u et non d'un v); chevreil ou chevreille (rare, attesté sporadiquement jusqu'en 1820). Au pluriel : chevreuls (XVIIe s., rare).

Variante(s) morphologique(s)

chevreu ou chevreux (pl. -eux) (pop.)
Citation(s) Référence(s)
Je me borne donc a dire succintement que ce qu'on appelle canada a plus de sept ou huit cent lieues de long, et que tout ce qui n'a pas esté desfriché par les françois ou les sauvages est remply de forests dont les arbres sont merveilleusement grands et beaux, ou de tres belles prairies dans lesquelles on trouve quantité d'élans, de Cerfs, de chevreuils, etc.
1670, Fr. de Salignac-Fénelon, mémoire reproduit dans Les Cahiers des Dix, no 35, 1970, p. 149.
[archives et textes anciens]
Il [un trappeur] se demandait même s'il n'allait pas revenir bredouille, quand il déboucha, au sommet d'une montée abrupte, dans une clairière où il aperçut trois chevreuils couchés sur la neige. Il vit très bien les deux biches, de pelage clair, et le vieux mâle dont le bois était tombé. Mais les bêtes l'avaient flairé, et elles détalèrent bientôt, plus vives que poisson dans l'eau, de toute la vitesse de leurs pattes fines, par bonds immenses, leur queue courte relevée.
1927, H. Bernard, La Dame blanche, p. 168.
[littérature]
On vient de tirer. Mon pauvre chevreuil fait un bond, un seul, et retombe. Sur sa poitrine encore battante s'étend un rouge et cruel plastron. Ce soir, les citadins verront passer une voiture arborant le trophée. Demain dans le journal, je verrai mon homme photographié en pied, fusil au côté. Sur le capot de la bagnole, quelque chose s'écrase, bavant et saignant, langue pendante et yeux ternis, une chose laide qui hier était un être de beauté et de douceur. On en mangera quelques tranches, puis on jettera le reste. Le panache ira s'accrocher au mur jusqu'à ce qu'on le jette aussi au dépotoir.
1965, Ringuet, Confidences, p. 132.
[littérature]
Le soir, les braconniers sillonnaient les bois, souples et silencieux comme des chats monstrueux, l'œil allumé de leur projecteur au milieu du front. Pour revenir au camp, ils durent attendre la pleine lune. Elle enlevait à la lumière des projecteurs cet éclat qui médusait le chevreuil, le rendait impuissant, immobile derrière la cible fixe de ses yeux obliques, de diamant vert.
1966, M. Ferron, La fin des loups-garous, p. 93.
[littérature]
(Pour la variante CHEVREIL). On avoit derobé La nuit a une Chrestienne ce qu'elle avoit de plus pretieux, c'est a dire une peau de Chevreil et quelques autres hardes semblables.
Dans RJ 57, 1673, p. 116.
[archives et textes anciens]
(Pour la variante chevreux). En ce jour de décembre, la neige récente avait habillé d'hermine les flancs des troncs noircis, et les souches chauves portaient des bonnets blancs. Des pistes fraîches traversaient la route, et les jeunes gens disaient en montrant la lisière sombre vers Mascouche : «Il y a du chevreux par ici!»
1917, Frère Marie-Victorin, «La corvée de l'érable», dans La corvée, p. 231.
[littérature]

Synonyme(s)

Origine

Innovation sémantique français de référence

Historique

Depuis 1613 sous la forme plurielle chevreuls (dans Les voyages du Sieur de Champlain, 2e partie, p. 224 : [ ... ] il y a qua[n]tité de gibier & chasse d'animaux, comme Cerfs, Daims, Faons, Chevreuls, Ours, & autres sortes d'animaux qui viennent de la grand terre ausdictes isles [de la rivière des Iroquois, auj. appelée rivière Richelieu]; le pluriel chevreuls ne figure par la suite que rarement dans les textes et ne se rencontre plus après 1703). La variante chevreux (au pluriel) est attestée depuis 1632 (v. Les voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain, 1re partie, p. 6 : eslans, cerfs, dains, caribous de la grandeur des asnes sauvages, chevreux). La forme actuelle chevreuil, qu'on relève à partir de 1666 en relation avec l'histoire de la Nouvelle-France (v. le passage cité s.v. panache, sous Étymologie/Historique), figure cependant dès 1586 chez R. de Laudonnière en parlant d'un cervidé de la Floride (v. L'histoire notable de la Floride située ès Indes occidentales, p. 115; on trouve aussi le pluriel chevreux dans la même source, à la p. 3 : Les animaux plus connus en terre, sont des Cerfs, Biches, Chevreux, Dains). Par extension du sens de chevreuil en France, désignant depuis le XIIe s. un cervidé (genre Capreolus) très commun en Europe, ressemblant au cerf de Virginie mais de taille plus petite et portant des bois peu ramifiés (v. FEW capreolus 2, 304a; TLF). En France, le mot est d'abord attesté sous les formes chevrol et chevruel (aussi chevreil au XIIIe s.), puis chevreul qui se rencontre jusqu'au XVIIe s., époque où s'impose la forme chevreuil relevée dans les dictionnaires depuis Richelet 1680 mais déjà en usage au XVIe (v. TLF; v. aussi GodCompl, s.v. chevreul, Huguet, s.v. chevreuil; orthogr. chevreüil dans Académie 1694 et 1718). La variante chevreu(x) au singulier (depuis 1675), attestée en français depuis le XVIe s. (courante à l'époque d'après le grammairien Lanoue) et qui s'est maintenue jusqu'au XXe s. dans des parlers du Nord, du Nord-Est et de l'Est de la France (v. FEW id.), s'explique par une réfection du singulier sur le pluriel chevreux (chevreul donnait chevreuls ou chevreux au pluriel); quant au passage de chevreul à chevreuil, il vient de ce que les mots en -eul et ceux en -euil avaient un pluriel commun en -eux, ce qui provoquait des hésitations au singulier (pour la variation formelle du mot, v. CatOrth, s.v. chevreuil, NyropGramm-2 3, p. 118-119, NyropGramm-5 2, p. 233-237). La documentation québécoise n'atteste pas le singulier chevreul, ce qui donne à penser que cette forme n'était plus en usage à l'époque de la colonisation de la Nouvelle-France. Les premiers explorateurs français ont cherché à utiliser les noms qu'ils connaissaient pour nommer les cervidés américains. Le cerf américain de grande taille (Cervus elaphus), qui est de la même espèce que celui d'Eurasie, a été appelé cerf, conformément au nom qui avait cours en France pour cet animal. Les cerfs de taille moyenne, en particulier le cerf de Virginie, ont reçu le nom de chevreuil ou, plus rarement, celui de daim qui s'emploient en France en parlant d'animaux plus petits; ces deux noms figurent parfois dans une même énumération dans les documents les plus anciens relatifs à la Nouvelle-France, sans qu'on puisse voir clairement le sens de l'un et de l'autre (voir par ex. les citations de Champlain). Chevreuil et chevreux ont été relevés chez des auteurs anglophones du Canada et des États-Unis, souvent par référence au parler des voyageurs canadiens-français (v. DictCan, aussi s.v. chev(e)reau, et Mathews).

Étymon du FEW

capreolus

Français de référence

Remarque(s)
En France, le mot désigne un petit cervidé des forêts de l'Europe et de l'Asie appartenant au genre Capreolus.
Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.
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