Vedette

côte (n. f.)
[kot]

Définition

(Par méton. du sens 01.). Hist. Dans une seigneurie, portion de territoire, subdivisée en étroites parcelles rectangulaires concédées à des colons, qui longe le Saint-Laurent ou l'un de ses affluents. – (Par ext.). Suite de lots semblable située à l'intérieur des terres.
Les habitants d'une côte.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

coste (anciennement)
Citation(s) Référence(s)
Le pain benit du Dimanche fut transporté au lundy, jour de la Circoncision. Mons[ieu]r le Gouverneur le donna; il y eut quelque parolle en suite a qui on le donneroit apres luy, & il fut trouvé plus a propos de le donner aux deux marguillers, Mons[ieu]r Giffar & Mons[ieu]r des Chastelets, & puis commencer par le haut de la coste de S[ain]te genevieve [dans la banlieue de Québec], comme par une rüe; puis revenir par en bas, comme par une autre rüe, & continüer de la sorte.
1645, dans RJ 27, p. 118.
[archives et textes anciens]
Ce mot de Côtes n'est connu en Europe que pour côtes de la mer, c'est-à-dire les montagnes, les dunes & tout autre sorte de terrain qui la retient dans ses bornes; au lieu qu'en ce païs où les noms de Bourg & de Village sont inconnus on se sert de celui de côtes qui sont des Seigneuries, dont les habitations sont écartées de deux ou trois cent pas les unes des autres, & situées sur le rivage du Fleuve de S[aint] Laurent.
1703, Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, t. 1, p. 9.
[archives et textes anciens]
L'île [de Montréal] est partagée entre les neuf paroisses suivantes, Ste. Anne, Ste. Geneviève, Pointe Claire, La Chine, Sault au Récollet, St. Laurent, Rivière des Prairies, Pointe-au-Tremble, et Longue Pointe. Il y a en tout 1376 concessions, formées par rangées, ou comme on les appelle par côtes distinguées sous les noms de Ste. Anne, Pointe Claire, Ste. Marie, Ste. Geneviève, St. Charles, St. Jean, St. Remi, St. François, de Liesse, St. Luc, St. Paul, de Vertu, Sault au Récollet, St. Laurent, des Neiges, de Verdure, St. Michel, Longue Pointe, Pointe-au-Tremble, la Visitation, St. Antoine, Léonore, Rivière des Prairies, Coteau St. Louis et St. Pierre, lesquelles forment autant de subdivisions irrégulières, ou de districts intérieurs [...].
1815, J. Bouchette, Description topographique de la province du Bas Canada, p. 135.
[textes administratifs ou officiels]
Enfin, les boulangers trouvaient à redire aux agissements de certaines personnes qui s'ingéraient de vendre du pain et qui parcouraient même les côtes autour de Montréal pour acheter le blé à un prix plus élevé qu'il ne valait.
1927, J.-N. Fauteux, Essai sur l'industrie au Canada sous le Régime français, p. 369-370.
[études scientifiques]

Commentaires

1. Côte rend compte de la localisation initiale du peuplement en bordure des cours d'eau alors que rang insistera sur sa forme alignée. 2. En 1703, Lahontan, dont les propos seront interprétés de diverses façons par les historiens, paraît établir une équivalence entre les mots côte et seigneurie (v. citation). Cette association s'explique sans doute par le fait que, au début de la colonisation, la seigneurie, prenant appui sur le rivage et ne comportant encore bien souvent qu'une seule rangée de lots, portait parfois le même nom que la côte, par exemple dans des passages comme côte et seigneurie de Lauzon, côte et seigneurie de Beaupré, usuels dans les documents de cette époque; dans ces contextes, il est cependant difficile de savoir si le mot côte signifiait «rivage» ou «suite de lots», puisque ces acceptions se rapportent à une même portion de territoire. 3. Côte se maintient sur l'île de Montréal dans des appellations qui rappellent l'existence d'anciennes suites de lots : la Côte-Saint-Luc, le quartier Côte-des-Neiges, le chemin de la Côte-Saint-Antoine.

Synonyme(s)

Origine

Innovation sémantique français du Québec

Historique

Depuis 1645. Rang «suite de lots alignés» n'est attesté qu'un demi-siècle plus tard, alors que plusieurs seigneuries comportent déjà plus d'une série d'habitations. «Certes, là où ne se trouve qu'une seule file de maisons (et c'était le cas de presque toutes les seigneuries habitées), on ne pouvait être porté à compter par rang, un rang n'étant dit premier que par rapport à un second» (M. Trudel, Les débuts du régime seigneurial au Canada, 1974, p. 172). Après la Conquête, rang a peu à peu évincé côte qui n'est plus guère attesté de nos jours que dans des toponymes (en particulier sur l'île de Montréal) ou chez les historiens.

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.

Données encyclopédiques

Les nombreux avantages associés à la proximité des cours d'eau ont incité les premiers immigrants à s'installer en bordure du Saint-Laurent, puis de ses principaux affluents, sur des suites de lots étroits qui furent longtemps appelées côtes. Les colons profitaient ainsi de la fertilité des terres et de l'abondance des poissons. L'accès au fleuve leur permettait en outre de maintenir un contact avec la métropole, car les nouvelles d'Europe, les ravitaillements, les renforts, les missionnaires et les filles à marier arrivaient de France par bateau. À l'intérieur même de la colonie, la navigation constituait l'unique moyen de transport : il n'y avait ni routes, ni voitures et l'on ne trouvait pas non plus de bêtes de trait. Pour toutes ces raisons, les îles de la Nouvelle-France constituaient des zones de colonisation idéales. Ce facteur a joué un rôle important dans l'aménagement territorial de l'île de Montréal : «À défaut d'être l'unique exemple qui soit parmi les seigneuries laurentiennes, nulle part ailleurs la côte n'a-t-elle été utilisée d'une manière aussi systématique, le cadre insulaire aidant sans doute.» (Beauregard, p. 48). Vingt-et-un ans après la fondation de Ville-Marie par le sieur de Maisonneuve (1642), les Sulpiciens obtiennent la seigneurie de Montréal et prennent en main son peuplement selon un plan bien défini. Le rivage est d'abord subdivisé en une multitude de côtes délimitées par des accidents géographiques plus ou moins marqués. L'occupation, même clairsemée, du pourtour de l'île permet en effet d'assurer sa protection. L'établissement des côtes s'étend ensuite à l'intérieur des terres (pour la description de la côte et des lots qui la constituent, voir rang, sous Encyclopédie). Vers 1830, les côtes, occupées au maximum de leur capacité, sont à leur apogée. La ville et les villages de Montréal, qui sont en pleine expansion, les intègrent progressivement. La toponymie de l'île et le tracé actuel de son réseau routier rappellent encore la forme originale de son peuplement. – L. Beauregard, «Géographie historique des côtes de l'île de Montréal», dans Cahiers de géographie du Québec, nos 73-74, 1984, p. 47-62; L. Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, 1974, p. 259-261; P. Deffontaines, Le rang, type de peuplement rural du Canada français, 1953, surtout p. 3-7; J.-Cl. Robert, Atlas historique de Montréal, 1994, surtout p. 42-43; M. Trudel, Les débuts du régime seigneurial au Canada, 1974, p. 169-174; L.-E. Hamelin, Le rang d'habitat, 1993, surtout p. 43-59 et 173-176.
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