Vedette

pruche (n. f.)
[pʀʏʃ]

Définition

Conifère indigène (genre Tsuga, fam. des pinacées) apparenté au sapin, à aiguilles aplaties, courtes et flexibles, qui fournit une écorce tannique et un bois reconnu pour résister à la pourriture. – Bois, écorce, rameau de ce conifère.
Bois, forêt de pruche. Mur, escalier, bordure de (en) pruche. (En parlant de pièces de bois utilisées autrefois dans la construction). Lambourde, madrier, latte, sole de pruche.
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

peruche, péruche, perruche (au XVIIIe s., parfois, par certains auteurs ou typographes (v. Étymologie/Historique); prûche (aux XVIIIe et XIXe s., parfois)
Citation(s) Référence(s)
Si jamais on a veu de grands arbres; on pût dire que la pruche doit être mis dans la premiere classe puisqu'on n'en voit gueres de plus grands dans toute l'Inde [occidentale], il a lécorce extremement grosse, et fort rude, elle est d'une couleur rougeatre, les taneurs de la pointe de levi s'en servent, et m'ont assuré dans leurs tanneries qu'elle est fort propre pour preparer les cuirs, et les peaux [...].
1685 env., L. Nicolas, «Histoire naturelle», ANC , ms. 24225, fo 38.
[archives et textes anciens]
La récolte de l'écorce de pruche [...] ne pourrait qu'être avantageuse au pays. Mais, la manière dont on détruit les forêts de cette essence pour fournir des sucs tanins à la consommation étrangère doit exciter la plus énergique protestation. D'après le rapport que je cite, on dépouillait alors, annuellement, environ dix mille acres de nos meilleures terres à pruches [...]. La pruche devient de plus en plus utile à mesure que disparaît le pin, et nous devons faire en sorte d'arrêter cette grande destruction.
1878, H.-G. Joly, dans Gazette des campagnes, Sainte-Anne-de-la-Pocatière (Kamouraska), 28 nov., p. 335.
[presse, journaux, périodiques]
En planifiant à long terme, l'industrie permet à la forêt québécoise de produire à perpétuité. Ce n'est pas toujours le cas des contracteurs privés. Il faut revoir la sombre et belle forêt après le passage de ces vandales, qui abattent et coupent sans pitié, épinette [sic], sapins et pruches de quelques pouces de diamètre, été comme hiver.
1970, N. Lafleur, La drave en Mauricie, p. 118.
[études scientifiques]
Hier, l'équipe [d'ouvriers] s'est attaquée au premier mur [de soutènement]. Elle a descendu derrière des tuyaux en PVC de quatre pouces de diamètre dans lesquels elle a inséré un tuyau d'arrosage afin de miner les assises de la construction en pruche et de provoquer son glissement. Devant le peu de résultats, elle a dû recourir à un cable [sic] de nylon qui est venu à bout d'une des deux parties du mur de pruche [...].
1995, Le Soleil, 5 août, p. A6.
[presse, journaux, périodiques]

Commentaires

1. Adopté par les Canadiens dès le XVIIe s. tandis que les Français ont eu recours à la forme prusse jusqu'à la fin du Régime français. 2. De la langue commune, pruche est passé dans celle des spécialistes qui l'utilisent depuis le XIXe s. (v. par ex. ProvFlore 556), sauf Marie-Victorin qui a opté pour tsuga.

Synonyme(s)

Origine

Innovation sémantique parlers régionaux de France

Historique

Pour l'origine de la forme, voir sens 01. – Depuis 1685 environ (Nicolas). On a déjà proposé la date de 1636 comme première attestation de cet emploi (v. AugFor 76), d'après le passage suivant relevé chez le père Le Jeune, où il est difficile de déterminer si le conifère en question appartient au genre Tsuga ou au genre Picea : Si on peut retirer quelque profit des Sapins, des Cedres, des Pins, des Pruches, il y en a icy une infinité, & en plusieurs endroits. (Voir RJ 9, p. 170). En dépit du fait que ni cette occurrence ni celle de Sagard (1636 également, citée sous 01.) ne peuvent constituer la première attestation certaine du mot dans l'emploi qui nous intéresse, il est tout de même raisonnable de penser qu'il s'appliquait déjà chez les Canadiens au conifère du genre Tsuga dès les années 1630 ou 1640. En effet, dans un document notarié de 1649 (cité sous 01.), pruche s'applique à un bois résineux servant à faire la charpente d'une grange; de plus, on trouve régulièrement la variante prusse en parlant du tsuga à partir des années 1660 (v. prusse). Pruche est consigné comme canadianisme dans les dictionnaires de France depuis Quillet 1974 (v. aussi TLF et Robert 1985).

Français de référence

Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.

Francophonie

Commentaire(s) intrazone
En Acadie, cet arbre est désigné par le mot haricot.

Données encyclopédiques

La pruche est un conifère indigène des régions tempérées de l'Amérique du Nord (et de l'est de l'Asie) qui n'a été introduit en Europe que dans les années 1730; les premiers voyageurs et explorateurs venus de France ne connaissaient pas cette essence résineuse à leur arrivée en terre d'Amérique et lui ont donc appliqué un nom qu'ils employaient en parlant d'un conifère d'Europe (v. Étymologie/Historique). La pruche produit un bois et une écorce dont l'utilisation fut définie dès le XVIIe s. Résistant à la pourriture et plus dur que celui de la plupart des autres conifères, le bois de pruche a été employé dans la charpente des granges et des étables ainsi que dans la construction des chaussées de moulins, des quais et des ponts; on en a aussi tiré des pièces pour faire des pavés et des traverses de chemins de fer. C'est pour les mêmes raisons que, dans les années 1970 et 1980, il a été populaire auprès des entreprises spécialisées en aménagement paysager qui s'en servaient pour la construction de murs de soutènement, d'escaliers extérieurs, de coffrages pour les îlots de fleurs, ou encore comme bordures le long des entrées ou des platebandes. Cette pratique s'est toutefois raréfiée par la suite puisque le bois (peut-être vendu trop vert) finissait tôt ou tard par pourrir et par céder. Par ailleurs, le bois de la pruche est cassant, ce qui explique qu'il n'ait pas eu autant de succès dans la fabrication des mâts de navires que l'épinette. Quant à l'écorce de la pruche, riche en tanin, elle fut grandement appréciée dans l'industrie du tannage des cuirs à partir du Régime français (v. l'exemple de 1685). Au fil du temps, l'exploitation et la commercialisation de la pruche à cette fin atteignirent une telle ampleur, tant au Canada qu'aux États-Unis, que cette pratique conduisit à la disparition de vastes territoires peuplés de cette essence et suscita beaucoup d'inquiétude chez certains observateurs (v. l'exemple de 1878); jusqu'à 1920, c'est d'ailleurs par milliers qu'on laissa se perdre les troncs des arbres abattus pour ne récolter que la seule écorce qui était séchée, broyée, réduite en poudre et expédiée dans les tanneries. L'acide tannique donnait une couleur rouge au cuir traité, mais on utilisait également l'écorce pour préparer une teinture brune que l'on appliquait notamment sur les meubles. Enfin, on a attribué de nombreuses vertus aux rameaux et à l'écorce de la pruche, lesquelles entraient dans la préparation de décoctions reconnues pour soulager les problèmes de rhumatisme et d'arthrite et combattre l'anémie (en purifiant le sang). – Frère Marie-Victorin, Flore laurentienne, 1935, p. 144-145; L.-Ph. Audet, Le chant de la forêt, 1949, p. 53-57; J. Provencher, C'était l'été, 1982, p. 146-148.
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