Vedette

cyprès (n. m.)
[sipʀɛ]

Définition

(Dans la langue des marins fréquentant les côtes américaines au XVIe s.). Nom donné à des conifères nord-américains à feuilles en forme d'écaille (fam. des cupressacées), comprenant notam. le thuya occidental (Thuja occidentalis), le genévrier de Virginie (Juniperus virginiana) et le cyprès faux-thuya (Chamæcyparis thyoides).
[État des données: avancé]

Variante(s) graphique(s)

cyprez, ciprez, cyprés, ciprés (généralement, du XVIe s. jusqu'au XVIIIe s., voir Étymologie/Historique)
Citation(s) Référence(s)
Et pour ce, il seroit bon avoir ung navire petit de soixante et dix tonneaulx pour descouvrir la coste de la Fleuride; car j'ay esté en une baye jusques à quarente et deux degrez entre Norombègue et la Fleuride [sans doute la baie de Cap Cod ou celle de Massachussets], mais n'ay pas veu du tout le fond, et ne sçay s'il passe plus avant. Et y a en toutes ces terres grand quantité d'arbres et de plusieurs sortes, comme chaignes, fraignes, cèdres, ciprez, hommeaulx [«ormes»], arables, fayens [«hêtres»], arbres de vye, qui portent médecine [...].
1544, J. Alfonse, Cosmographie, dans M. Bideaux (éd.), Relations, 1986, p. 221 (à la lumière de l'ensemble des données de l'époque, les mots cèdres, ciprez et arbres de vye renvoient tous, dans ce passage, à des arbres dont les feuilles sont faites en forme d'écaille v. en outre à ce sujet J. Rousseau, La botanique canadienne à l'époque de Jacques Cartier, 1937, p. 50; arbre de vye fait sans doute référence au thuya occidental, v. annedda).
[archives et textes anciens]
Ledit port de Tadousac est petit, où il ne pourroit que dix ou douze vaisseaux : mais il y a de l'eau assez à Est à l'abry de ladite riviere de Sagenay le long d'une petite montagne qui est presque coupee de la mer : le reste se sont montagnes hautes eslevees, où il y a peu de terre, sinon rochers & sables remplis de bois de pins, cyprez, sapins, boulles [«bouleaux»], & quelques manieres d'arbres de peu [...].
1603, S. de Champlain, Des Sauvages, p. 3ro (cyprez s'applique ici au thuya occidental).
[archives et textes anciens]
Nous y remarquames [à Port au Mouton, en Acadie] parmi une terre sablonneuse force Chenes porte-glans, Cyprez, Sapins, Lauriers, Rozes muscades, Grozelles, Pourpier, [...] & autres Simples en deux heures que nous y fumes.
1609, M. Lescarbot, Histoire de la Nouvelle France, p. 580.
[archives et textes anciens]

Commentaires

Dans cet emploi, le mot a été transmis par les marins de France aux grands navigateurs et explorateurs, dont Alfonse, Champlain et Lescarbot, mais il ne s'est pas implanté dans la colonie laurentienne (cèdre).

Origine

Innovation sémantique français de référence

Historique

Dans les dictionnaires de France, cyprès figure avec les orthographes ciprés, cyprés et cyprez du XVIe jusqu'au XVIIIe s. Depuis son apparition dans la langue française au XIIe s., le mot s'emploie en France uniquement en parlant d'un conifère indigène d'Asie mineure, aux feuilles écailleuses, au bois aromatique et résistant à la pourriture (Cupressus sempervirens, fam. des cupressacées). Cependant, en Amérique du Nord, on l'a appliqué à d'autres conifères indigènes. D'abord, au XVIe s., les marins de France ont donné ce nom à des arbres de la même famille (cupressacées), emploi qui n'a pas survécu à l'époque de Champlain; puis, les habitants de la vallée du Saint-Laurent s'en sont servi pour nommer des arbres de la famille des pinacées (sens 03. et 04.). – De 1544 à 1632. Découle, par extension, du sens (indiqué ci-dessus) qui a cours en français depuis le XIIe s. (v. FEW cyparissus 2, 1613a, et TLF). Dans cet emploi, le mot cyprès subit la concurrence de cèdre dès l'époque de Cartier et disparaîtra au début du XVIIe s. C'est au XVIe s. que les marins de France – probablement les Normands qui fréquentaient les côtes atlantiques entre la Floride et l'Acadie – ont appelé cyprès plusieurs espèces de cupressacées nord-américains, nom qu'ils ont transmis à de grands navigateurs comme Alfonse et Champlain. Par ailleurs, en Louisiane, les Français ont appliqué le nom de cyprès au cyprès chauve (Taxodium distichum, fam. des cupressacées), conifère de grande taille, indigène du sud-est des États-Unis, que l'on rencontre notamment dans les marécages – ou cyprières, selon la terminologie locale – de la Louisiane et de la Floride; il y est attesté depuis 1723 environ (v. P. Margry (éd.), Découvertes et établissements des Français dans l'ouest et dans le sud de l'Amérique septentrionale, t. 5, 1883, p. 385). Le fait que cyprès soit attesté en Louisiane en parlant également du genévrier de Virginie (v. ReadLouis 35, et ValdCreole s.v. sipre) ne peut s'expliquer que par l'influence des marins du XVIe s., puisque, dans cet emploi, le mot n'a pu être diffusé à partir de la vallée du Saint-Laurent, les Canadiens français ne l'ayant eux-mêmes jamais adopté.

Étymon du FEW

cyparissus

Français de référence

Remarque(s)
À la même époque, en France, cyprès désignait déjà un conifère originaire d'Asie mineure (Cupressus sempervirens, fam. des cupressacées). Voir Étymologie/Historique.
Réalité propre
Emploi qui réfère à une réalité propre au pays ou à la région de la variété de français, ou qui en provient.
QU: 2885